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LA LUPE (1939-1992) REDÉCOUVERTE DANS SA VILLE NATALE,
SANTIAGO DE CUBA

La Lupe
Source photo : montunocubano.com

Même dans la capitale de l'Orient cubain, tout le monde ne sait pas que « La Lupe », devenue la « Reina » de la Salsa à l’époque où Tito Puente était « El Rey », était originaire de Santiago de Cuba. Il suffit d’avoir interrogé les santiagueros, même ceux vivant près du quartier où est née en 1936 Lupe Victoria Yoli Raymond, c'est-à-dire San Pedrito, tout près de la fabrique de rhum Bacardi (à l’époque) où travaillait son père Tirso Yoli, pour voir qu’ils en savent encore moins que l’amateur de salsa moyen de par le monde, ignorant même souvent l’existence de cette gloire de la musique latine, eux qui se piquent tous quelque peu (et ce à raison!) de musique*. L’ignorance est un bien qui peut être largement partagé, puisqu’un des deux biographes ayant consacré un livre à La Lupe aux Etats-Unis, le Porto-Ricain Juan Moreno, fort savant sur sa période états-unienne mais visiblement peu familier de Santiago, nous décrit le faubourg prolétaire de San Pedrito comme une charmante bourgade rurale, où La Lupe allait en ville en charrette (Desmitificación de una diva: la verdad sobre La Lupe). Elle qui n'avait aucun mal à rejoindre son collège de son secteur du centre-ville à pied! Mais la maison ouvrière où a grandi La Lupe, au N°103 de la carretera Bacardi (parallèle à la fabrique de rhum du même nom et dite aussi pompeusement "Avenida", avenue) est toujours là, bien que transformée et est intacte la fenêtre, face à laquelle la cheminée de la fabrique de rhum barrait la paysage contemplé entre rêves et jeux par la future diva.

La Lupe à la rélévision cubaine
Accompagnée de Guillermo Barreto à la batterie La Lupe se présente pour la première fois dans les studios de la télévision cubaine Source photo : montunocubano.com

Seuls quelques membres discret de sa famille, des amis d’enfance et condisciples du cours de chant qu’elle fréquentait assidument, encore enchantés des excentricités de la chanteuse alors en herbe (qui gagna un concours de radio en cachette du paternel) nous ont dit qui était Lupe Victoria Yoli à Santiago dans ses vingt premières années, avant qu’elle ne devienne... institutrice à La Havane, y tente sa chance comme chanteuse et n'y devienne "La Lupe" par la grâce d'un journaliste enthousiaste …


DOCUMENT RITMACUBA (Enregistré en 2004, publié en fév. 2014) Témoignage de Sergio Limonta, qui partageait des cours de chant et formation chorale avec La Lupe dans ses années de collège à Santiago.

Un témoignage que nous avons recueilli nous décrit celle que ses compagnons du collège de Altoficio appelaient par son nom de famille, "Yoíi", plutôt que par son prénom (qui était bien Lupe et non Guadalupe comme ce pût être écrit). En ressort le portrait d'une jeune fille, excentrique déjà, qui se faisait remarquer en disposant des grelots sur sa robe ou ses chaussures et tirait la langue à l'occasion aux adultes. Mais néanmoins assidue à ses cours, en particulier un cours de chant où exerçait une professeur remarquable, puisque sortirent de ses cours plusieurs chanteurs professionnels (2), dont celle qui rayonna hors de sa ville natale, La Lupe. Ce témoignage de Sergio Limonta permet aussi d'affirmer, par sa précision géographique, que le concours de chant auquel se présenta La Lupe (en cachette de son père semble-t-il) fut dans la station CMKW, située près du Théâtre El Rialto (aujourd'hui plus connue sous le nom de Radio Mambí). La Lupe adolescente était une admiratrice d'Olga Guillot, qui avait un timbre de voix proche du sien et dont elle aimait reprendre les boléros. Et c'est en imitatrice "sensationnelle" de Olga Guillot qu'elle chanta et elle le gagna. Ce qui a dû la confirmer dans sa vocation artistique.

José Manuel Gómez (Guía esencial de la salsa) affirme que le bolero de cette circonstance fut "No me quieras así". Mais, c'est une révélation récente, il y eut plus que le concours radiodiffusé et un début de carrière à Santiago si on en croit José Armando Guzmán Cabrales qui y fut plusieurs fois son présentateur. Il déclare: “Dans le programme Gilda busca una estrella, de la fábrica de biscuits Gilda (...) c'est là que j'ai eu le plaisir de présenter La Lupe. Elle n'était pas une "figure", mais une amatrice…le programme était émis par CMKW alors "La vague musicale de l'Oriente" (...). “Après, comme animateur du Cabaret Copa Club de Santiago de Cuba, je l'ai présenté à nouveau, comme pour Pacho Alonso ou René del Mar… mais c'était encore Lupe Yoli, pas "La Lupe". Elle a été engagée et toutes les nuits elle chantait dans un show et son répertoire faisait un tabac ; les gens lui demandaient des chansons, parce qu'elle les interprétait bien et dansait bien. C'était une petite métisse fine, très énergique, qui ne tenait pas en place, où qu'elle soit. Elle s'emparait de la scène avec beaucoup d'aisance. Je crois que dès qu'elle a commencé à chanter elle avait le don pour être une star, vraiment. Les gens l'assimilaient à Olga Guillot ; elle chantait ses chansons parce que c'étaient celles-là qui étaient à la mode ; mais je crois que Lupe les chantaient à sa façon”. Un autre témoignage est celui de sa cousine Irma Canet Yoli, pour qui dans son souvenir elle était “très sympathique, terrible" (...)… “Et quand elle se mettait à chanter, ce pouvait être n'importe où, rien ne l'intimidait. On disait qu'elle imitait la Guillot, mais pour moi elle n'imitait personne. "Je m'en souviens dans le théâtre, les queues pour aller la voir"…. “Et ces choses de taper dans le dos du pianiste, tout ça… ça lui venait de l'intérieur, c'est venu d'elle, elle n'a copié personne”.

La Lupe DVD
Photo : La Lupe, période havanaise (Documentaire "La Lupe Queen of the latin soul")

C'est dans la capitale cubaine que Lupe ou "Yolí" commença sa carrière et devint "La" Lupe, après avoir réussi son diplôme... d'institutrice (à Santiago). Ses amis santiagueros ne surent plus rien d'elle jusqu'à ce qu'elle apparaisse à la télévision nationale. là ses excentricités sur scène furent jugées scandaleuses pour certains tenants d’un nouvel ordre moral révolutionnaire. Mais le silence de plomb à propos de La Lupe dans l'île - pendant quatre décennies ! - qui a suivi son exil en 1962 (exil au Mexique, puis à Miami, New-York et Porto Rico) après une émission de télévision à La Havane jugée insupportable en haut lieu, par Fidel Castro en personne, dit-on, est aussi pour beaucoup pour l'oubli à son sujet, jusque dans sa ville natale. Ce voile d'oubli se lève peu à peu à Cuba. Une nouvelle génération avec en tête la populaire chanteuse Haila - une "fan avide" dit-elle en interview - a redécouverte l’interprète chauffée à blanc de « Fiebre » (le stanrd «Fever !» hispanisé), la fervente amoureuse de « Que te pedí » ou la désilusionnée sarcastique de« Puro teatro ».


L'incarnation de la Lupe par Sully Diaz

Après le show musical Off Broadway qui l'évoqua dans les années '90 (où l'interprétait Sully Diaz), après une pièce créée à Miami fin 2007 : "La Lupe Delirio Cubano" (avec Annia Linares, chanteuse cubaine exilée), après un documentaire réalisé aux États-Unis par la cubaine Ela Troyano ( "La Lupe, Queen of the latin soul"), après le roman "La isla de los amores infinitos" (Grijalbo, 2006), de l'écrivaine cubaine Daína Chaviano où La Lupe devient personnage de fiction (prix Florida Book Awards 2007 et traduit en vingt langues), une pièce théatrale lui a été dédiée à La Havane et des réalisateurs espagnols, Lilian Rosado y Pedro Pérez Rosado, ont réalisé un film en référence à La Lupe : « La Mala », titre reprenant son célèbre refrain :

« Según tu punto de vista, yo soy la mala » (Selon ton point de vue, la mauvaise c’est moi).

Annia Linares
Photo : La bolériste Annia Linares, star à Cuba dans les années '80, incarna La Lupe dans un spectacle de Miami

En réalité cette co-production hispano-porto-ricaine n'évoque pas directement les destin de La Lupe mais celui d'une jeune fille née dans une famille d'exilés cubains et qui devient chanteuse en s'identifiant à l'"idole" familiale et en reprenant son répertoire. La Lupe n'est ainsi plus renvoyée à un moment de l'histoire de la musique cubaine et de la salsa, mais devient une référence permettant aux latinos de vivre dans le présent et d'aborder le futur.

Affiche du film La Mala

Dans le film La Mala, l'admiratrice éperdue de La Lupe est interprétée par la chanteuse cubaine Lena, petite fille de la prestigieuse Elena Burke et fille de Malena Burke (elle-même chanteuse et vivant à Miami depuis 1995). Lena (de véritable nom Lena Perez, née à La havane en 1978), connue en Espagne grâce à un duo avec le chanteur espagnol Alejandro Sanz, a enregistré la bande sonore du film huit qui comporte huit chansons de La Lupe : (Fiebre, Qué te pedí, Puro Teatro, Yo no lloro más, Porque así tenía que ser, La Gran Tirana). La bande sonore est sortie en CD chez Warner autour de la sortie du film. L'ironie est que Lena ne connaissait pas l'existence de La Lupe tant qu'elle a vécu à Cuba, comme jusqu'ici de nombreux Cubains.

Et, finalement, voici que le souvenir de La Lupe resurgit à Santiago de Cuba en juin 2009 à l’occasion d’une manifestation nommée « Boléro en Santiago » (17 - 20 juin) terminée en apothéose par un concert d'Omara Portuondo. Y a été présenté le film « La Mala » et la pièce inaugurée à La Havane « La Lupe ». Le destin fabuleux et tragique de la Lupe est incarné par l’actrice Monse Duany dans la pièce. Et c'est ainsi que dans la ville ou naquit - au XIXe siècle- le boléro, style cher aux Cubains et à tous les latino-américains, un festival de bolero a été consacré à La Lupe et lui a rendu ainsi justice pour la première fois.

Elena et Lena Burke
Malena & Lena Burke Source : Cubaencuentro.com

De très loin, d’une étoile cloutée dans le ciel de la nuit caraïbe, La Lupe a certainement assisté à la première évocation publique de sa mémoire dans sa ville natale.

Trois ans après, "La Mala" a été le film le plus acheté sur le marché des disques piratés vendus dans les rues cubaines. La Lupe poursuit sa revanche post mortem sur le destin et n’est pas près d’être oubliée. Cette histoire doit continuer. Un jour peut-être une rue de Santiago portera son nom, comme c'est déjà le cas à New York (Lupe's way)...

© Daniel Chatelain - Ritmacuba (première parution 21 juin 2009, dernière actualisation : 31 août 2015)

* "La Lupe" n'évoque pour de nombreux Cubains qu'une composition du dirigeant révolutionnaire cubain défunt Juan Almeida!

 

tombe de La Lupe (New-York)

Notes :

1. La version actuelle de l’article Wikipedia sur La Lupe est erronée sur un point : si La Lupe a bien commencé sa carrière à La Havane, elle avait bien démontré ses dons – d’ailleurs cultivés par la fréquentation assidue d’un cours de chant soliste de son école secondaire en gagnant un concours de radio (CMKC ou CMKW) de Santiago. Wikipedia situe cet épisode à La Havane. Il est vrai qu'un site en anglais fait naître La Lupe à Santiago... de Compostelle!

2. Les noms cités par Sergio Limonta : René Montoya, San Roma, Ana Lidia Garzón permettront peut être un jour de retrouver de nouveaux témoignanges sur la période cubaine de la vie de La Lupe.

 

Lena Burke n'"est" pas La Lupe :

"Tu n'as pas peur d'être comparée à La Lupe et que tu perdes par comparaison?

Lena Burke : Je nétais pas née quand La Lupe est partie de Cuba. J'ai découvert à Miami une artiste immense dont je ne connaissais même pas l'existence. Dans le film, je n'interprète pas La Lupe. Elle est comme une esprit qui rôde autour de cette famille cubaine exilée à Puerto Rico dont le film fait le portrait. (...) Je ne prétend pas rivaliser avec la grandeur de La Lupe, ce film est fait en son hommage. (Extrait d'une Interview de Lena Burke en espagnol : Cubaencuentro.com )

Elena, Maena et Lena Burke
Elena, Malena & Lena Burke Source : Cubaencuentro.com

espagnol ¿No temes que te comparen con La Lupe y pierdas en la comparación?

"Yo no había nacido cuando La Lupe se fue de Cuba. Descubrí en Miami a una artista inmensa que ni sabía que existía. No estoy interpretando a La Lupe en la película. Ella es el espíritu que rodea a toda esta familia cubana asilada en Puerto Rico que retrata la película. Candela, mi tía, le reza a La Lupe como si fuera un santo. No pretendo competir con la grandeza de La Lupe, esta película es un homenaje a ella."

Biographie de La Lupe en français : montunocubano.com

Elément bibliographique récent : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=24568

 


Film “They Call Me La Lupe” joué et produit par Lauren Vélez (aussi la capitaine María LaGuerta, de la série “Dexter"). Teaser de 2012.

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