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Santiago de Cuba : décembre et juillet
La page avec tous les textes du site

- Documentation de ritmacuba.com -

-SUR CARIBE & LA CONGA-

Ricardo Leyva par Granma
Photo : Granma Internacional

 

« AY QUE FELICIDAD » : SUR CARIBE RECIDIVE AVEC UNE NOUVELLE CONGA.


Le groupe SUR CARIBE a eu en 2006 un succès qui a dépassé toutes ses espérances avec le titre avec la conga orchestrée « AÑORANZA POR LA CONGA « enregistrée avec la Conga de Los Hoyos. Notre site vous avait entretenu tout au long de l’année de l’impact de ce morceau en rupture avec les recettes établies (voir ci-dessous, en ordre inverse de la chronologie).

Cette tentative ne restera pas isolée, puisque le groupe a mis de nouvelles congas à son répertoire : une adaptation de « HEY JUDE » des Beatles inaugurée dans un festival à Londres l’été dernier et, depuis la fin de l’année dernière le titre « AY QUE FELICIDAD ».

Celui-ci est devenu un clip vidéo de bonne facture basé sur des techniques de dessin animé avec des rebondissements humoristiques sur le thème de la conga. « AY QUE FELICIDAD » s’est placé immédiatement dans les meilleures places de l’émission de clips musicaux VIDEOSOL de la télévision cubaine (diffusée également par satellite par CUBAVISION INTERNATIONAL).

Les nouveaux titres de conga de SUR CARIBE n’ont pas recours à une conga traditionnelle, contrairement à « AÑORANZA POR LA CONGA ». De leur succès dépendra que la conga orchestrée devienne un style durable de la musique dansante cubaine.

Dans diverses interviews, le directeur du groupe, Ricardo Leyva, dont d’autres compositions se situent dans l’influence recommandable des Van Van, s’est posé comme un partisan de la regénération de la musique cubaine sur la base de ses styles traditionnels (en ne craignant pas de remonter jusqu’au vénérable danzón) et de la redécouverte par la jeunesse de son patrimoine musical, en alternative à l’influence démesurée de styles musicalement pauvres tels que le reggaeton. (2008)

 

"AÑORANZA POR LA CONGA" de SUR CARIBE,
CHANSON DE L'ANNÉE 2006 À CUBA


Extrait du morceau

Depuis janvier 2006, nous avons commencé à mettre en ligne l'histoire remarquable du morceau "AÑORANZA POR LA CONGA", sans savoir qu'elle deviendrait entre-temps la "chanson de l'année" à Cuba. Ce morceau qui allie innovation et référence à la tradition crée une situation paradoxale à deux titres (1) :

- 1. Il fait "désormais "partie du décor" et est parti pour s'intégrer - en quelques mois! - à la tradition dont il est issu, ce qui était imprévisible pour le groupe moderne qu'il l'a créé et pour l'auteur dirigeant ce groupe, Ricardo LEYVA, qui, de son côté, tout en abordant le thème brûlant de l'exil et de la quête identitaire (révélée par la nostalgie - "añoranza") caressait le rêve secret et ambitieux de créer un nouveau style dans la musique cubaine.. qui en a connu déjà beaucoup.

- 2. Son co-interprète collectif sur disque (et en fond enregistré dans les concerts de SUR CARIBE), qui en fournit "la force de frappe", la CONGA DE LOS HOYOS se trouve propulsée dans la modernité, alors qu'elle est cataloguée comme institution centenaire dans sa ville de Santiago de Cuba, à tel point qu'il est question de plusieurs années de sortir cette "ancienne" (et trop systématiquement victorieuse) formation de défilé du concours inhérent au carnaval de juillet. Avec l'effet secondaire que cette représentante d'un quartier populaire périphérique (avec ses éléments de marginalité) se retrouve un peu plus lié au cœur identitaire de la ville qui revendique le titre de "Capitale des Caraïbes".

Cette page a pris un aspect feuilletonnesque, où chaque mois - ou presque - apporte son quota de matériaux à l'édification de.. de quoi au fait, d'une mode éphémère? d'un phénomène régional, national, international? d'une légende? d'une alternative aux musiques-ghetto ou jeunistes (reggaeton...)? du recyclage d'une tradition? d'un nouveau genre cubain? ou autre chose encore? L'avenir nous le dira... Pour l'instant nous ajoutons régulièrement quelques paragraphes pour suivre le fil de cette histoire à nos yeux intéressante.

Le lecteur qui ignore tout de celle-ci aura intérêt à commencer par l'article "La conga au sommet" (plus bas dans la page) qui en constitue le premier chapître...(dc)

(1) Cette situation est analysée en détail dans un mémoire universitaire d'un étudiant en ethnologie, Didier Laurencin, qui a fait une étude de terrain sur la Conga de Los Hoyos de février à juillet 2006 (après avoir approché celle-ci dans un stage Ritmacuba), laquelle lui fournit les bases d'une interrogation sur les notions d'identité et de tradition dans une société urbaine et métisse du XXIe siècle...

Ricardo Leyva
Ricardo Leyva

JUILLET : "AÑORANZA POR LA CONGA" CHANSON DU CARNAVAL DE SANTIAGO

Il était logique que le morceau élu "chanson de l'année" à Cuba devienne LE thème choisi pour comme chant du carnaval de Santiago 2006, puisqu'il représente une nouvelle proposition de la musique carnavalesque propre à cette région, la conga orientale, et qu'il connaît depuis les fêtes de fin d'année 2005 un succès local et national sans précédent. Le groupe SUR CARIBE a défendu son morceau-phare sur les différentes scènes du carnaval en alternant avec des chanteurs nationaux comme YUMURI et Candido FABRÉ.

Après que ce thème ait résonné dans les radios et toutes les sonos en plein air de la ville du 20 au 28 juillet, une nuit-surprise a été rajoutée au carnaval, sous forme d'un grand concert dans la nuit du 29 juillet. Selon le quotidien de Santiago SIERRA MAESTRA ce sont cent mille (!) personnes qui ont veillé toute la nuit pour écouter successivement les improvisations légendaires de Candido FABRÉ et SUR CARIBE, qui a commencé et fini (au petit matin) son concert par le morceau qui a donné une nouvelle projection au groupe originaire de Santiago.

 

JUIN : SUR CARIBE REPRÉSENTE CUBA DANS UN CARNAVAL DE LONDRES

SUR CARIBE a inauguré sa carrière internationale en présentant "Añoranza por la Conga" dans un carnaval de l'agglomération de Londres où le groupe représentait Cuba aux côtés de l'ex - Van Van Pedrito Calvo. Malgré la difficulté de passer après un showman aguerri tel qu Pedrito Calvo, le groupe a été bien accueilli par le public anglais. Par contre, il semble que la tentative de SUR CARIBE de présenter une version du "Hey Jude " du Beatle Paul Mc Cartney métamorphosé en conga orientale cubaine n'ait pas reçu le niveau d'acceptation espéré...

 

MAI : L'ALBUM "CREDENCIALES" DE SUR CARIBE REçOIT TROIS PRIX CUBADISCO 2006

Le groupe originaire de Santiago de Cuba, SUR CARIBE a obtenu à La Havane les prix Cubadisco 2006 dans les catégories "Chanson de l'Année", "Illustration" et "Vidéo Clip" (sur celui-ci voir notre article de janvier ci-dessous) pour son album "Credenciales". Celui-ci est un disque "qui démontre la maturité d'un groupe qui, dans le vaste spectre des propositions nationales est distingué pour avoir su créer un style propre, dans lequel a joué un rôle fondamental son directeur Ricardo Leyva comme compositeur, orchestrateur et producteur". Le morceau "Añoranza par la Conga", est le climax du disque, oeuvre avec laquelle il donne une nouvelle dimension à un genre peu exploité par les groupes cubains sur la base du renforcement du style traditionnel de la conga "orientale" (de l'est de l'île), basé sur les percussions par les possibilités tímbriques offertes par les cordes et les vents, avec pour effet une conga irrésistible qui fait danser tout Cuba à la queue-leu-leu, comme il se doit pour ce rythme issu du carnaval.

- CD Sur Caribe « Credenciales ». 2005. EGREM CD-0756 (import). 13 titres audio et un titre multimedia. Bientôt dans la boutique de ritmacuba.com

CD Credenciales

 

"AÑORANZA POR LA CONGA" CHANSON DE L'ANNÉE : L'ACCUEIL DE SANTIAGO

 

La nouvelle de l’élection de « Añoranza por la Conga » comme « chanson de l’année à Cuba » a été reçue par une manifestation de joie remarquable à Santiago de Cuba. Le Foyer Culturel de la Conga de Los Hoyos a été le centre d'un défilé spontané qui a entraîne le plus public le long des rues du quartier. « Il paraissait que le carnaval de juillet avait été avancé »…« Jamais avant on n'avait obtenu un mélange tellement effectif entre la musique dite cultivée et le rythme ancestral, apparu du plus profond du sentiment de l'esclave noir, de la nostalgie de la terre dont il avait été violemment séparé et de ses désirs de Libération » a commenté le site internet officiel de « la Culture » de Santiago à propos du titre « Añoranza por la Conga ». « La conga est Santiago et Santiago est la conga, Leyva l’a traduit fidèlement » (dans sa composition) » a-t-il conclu. ».

 

Ier MAI 2006 : HOMMAGES ET RÉCOMPENSES DE LA VILLE DE SANTIAGO DE CUBA A SES MUSICIENS : RICARDO LEYVA ET SUR CARIBE, CONGA DE LOS HOYOS, ROBERTO NAPOLES.

"CLÉ DE LA VILLE DE SANTIAGO" DE CUBA POUR SUR CARIBE

(extraits de ritmacuba-info n°82)

"- SUR CARIBE
La municipalité de Santiago de Cuba a remis à l’orchestre SUR CARIBE la distinction "Clé de la Ville de Santiago de Cuba" en reconnaissance de l’impact populaire de la musique du groupe. Le directeur de SUR CARIBE, groupe, qui a cette année quinze ans d’existence et réside actuellement à La Havane, a déclaré que la récompense allait aussi au peuple santiaguais, puisque celui-ci était protagoniste des succès du groupe « qui est et restera toujours de Santiago de Cuba ».
Cette récompense intervient à la suite du succès du morceau “Añoranza por la conga” en Oriente et dans toute l’île, un des thèmes les plus écoutés à Cuba ces derniers mois, jusqu’à faire événement.

- ROBERTO NAPOLES
A l’occasion de son 95e anniversaire, le contrebassiste Roberto NAPOLES a reçu un hommage de la municipalité pour être « le musicien actif le plus âgé de l’île ». Roberto NAPOLES a pour autres titres de gloire d’avoir été membre fondateur de deux formations emblématique de Santiago de Cuba, la ORQUESTA CHEPIN CHOVEN, créée en 1932 aux côtés de Electo ROSELL « Chepín » et Bernardo GARCIA CHAUVIN (« Chóven ») et la ESTUDIANTINA INVASORA, fondée en 1927 et dans laquelle il joue toujours. La ESTUDIANTINA INVASORA est le témoignage vivant d’un type de formations cubaines, la Estudiantina, qui a joué un rôle important dans l’histoire de plusieurs styles cubains, dont le « son ».
Roberto NAPOLES est l’unique survivant des fondateurs de ces deux formations et un des musiciens cubains en activité le plus âgé (en compagnie du malicieux El GUAYABERO). (Note de ritmacuba.com de 2013 : Roberto Napoles est décédé en 2011, à quelques jours de son 100e anniversaire dans sa maison du quartier de Los Hoyos, où nous l'avions visité quelques mois auparavant).

- CONGA DE LOS HOYOS
Lors de la même soirée du « Salon de la Ville » de l’ancienne Mairie du Parque Cespedes, une représentation de la CONGA DE LOS HOYOS a reçu un hommage pour être l’unique formation de ce type plus que centenaire et pour « conserver les traditions d’un des quartiers les plus populeux et musicaux de santiago de Cuba ». La CONGA DE LOS HOYOS a encore reçu, comme à son habitue pourrait-on dire, la distinction maximum dans la compétition des congas lors du dernier carnaval de Santiago, en juillet 2005 ainsi que cette lettre s’en est fait l’écho l’été dernier."

conguero de carnaval
Conguero de carnaval - tissu et peinture (Santiago de Cuba) © ritmacuba.com

 

NOUVELLE ANNEE A CUBA : LA CONGA AU SOMMET

A PROPOS DE "AÑORANZA POR LA CONGA" (SUR CARIBE, avec la CONGA DE LOS HOYOS)

par Daniel Chatelain (janvier et février 2006)


« La Conga au sommet » titre le journal de Santiago de Cuba "Sierra Maestra", d’habitude plus austère, dans les pages Culture de son site internet. Ce titre fait écho à un événement imprévisible : le groupe SUR CARIBE est en tête de plusieurs hit parades cubains avec « Añoranza por la Conga » (« Nostalgie pour la Conga ou « La Conga au cœur » entre autres traductions possibles), volant la première place au groupe de PUPI Y LOS QUE SON SON et éclipsant momentanément le nouveau phénomène féminin cubain : Haila, accompagnée d'une « Hailamania » on ne peut plus envahissante ces derniers mois (tout ce que chante Haila, ex-BAMBOLÉO, dans les styles les plus divers est adulé). Dans cette atmosphère, le reggaeton, dont les transgressions néo porno rigolardes (« La Popola » y « El Culito », aux titres explicites, régnaient, hélas ! en maître dans les soirées de l’été dernier) passent aussi au second plan.

Un élément remarquable de l’affaire est que ce morceau ne représente rien de déjà connu dans la musique cubaine médiatisée. Si le rythme utilisé est bien connu de tous les cubains, la conga orientale, son traitement – très original - dans un contexte de musique dansante n’a pas de précédent.

Le titre de Sur Caribe est en fait le produit d’une triple rencontre : Le maître d’œuvre, le groupe SUR CARIBE dirigé par Ricardo LEYVA, l’orchestre symphonique de Santiago, ou plutôt sa section de cordes (augmentée d'élèves de l'école d'Arts de Santiago) et la CONGA DE LOS HOYOS, « La Aplastadora » (« le rouleau-compresseur » ou « El Piano » entre autres surnoms évocateurs). Ce que le peuple retient du morceau, c’est que c’est une conga. Et comme m’a encore dit il y a quelques jours un responsable culturel d’une institution de Santiago, quand on dit conga à Santiago, on passe d’abord à la Conga de Los Hoyos.

La Conga de Los Hoyos a déjà connu des enregistrements de fusion entre le style traditionnel de conga et d’autres musiques comme le prouvent les cédés d’Alfredo Rodriguez « Cuba Linda » - remarquable - puis de Jane Bunnett « Alma de Santiago ». On était alors dans le domaine du ressourcement du latin jazz par sa confrontation à la tradition cubaine. Par ailleurs, sans qu’on ait attendu le succès de ce morceau, la CONGA DE LOS HOYOS est connue dans tout Cuba et pas seulement dans son fief « oriental », même si à La Havane on l’exotise : son surnom de "Los Hijos del Cocoyé" (Les Fils du Cocoyé : allusion à une tumba francesa aujourd’hui disparue de leur quartier) y est prononcé parfois énigmatiquement « cocuyé » voire « cucuyé », ce qui amuse toujours les santiagueros.

Un autre autre phénomène est que les media cubains ne font à cette occasion que suivre l’embrasement populaire. Le quotidien « Sierra Maestra » insiste sur le fait que le morceau s’est imposé « par ses propres mérites », donc en dehors de toute visée promotionnelle » (…ou bureaucratique pourrait-on ajouter avec malice). Il ajoute : « quand un objet musical monopolise l'attention générale, sans distinction d’âge ni de goûts spécifique, on est alors devant un phénomène qui pénètre la vie quotidienne ». (Édition du 6 juillet).

Autre élément encore de l'effet de surprise : on ne peut pas dire que jusqu’ici que le groupe SUR CARIBE, tout en étant bien établi dans la province de Santiago, provoquait jusqu’ici une ferveur spéciale dans le public. Malgré une production discographique de qualité et ses 15 ans d'existence, il était jusque là mal distingué d'un de ces groupes qui, indépendamment des qualités de son travail, était utilisé jusqu’à plus soif – si j’ose dire dans ce contexte arrosé au rhum et à la bière - à l'occasion des différents carnavals des villes et bourgades bourgades des provinces orientales et de leurs carnavals ou encore, à Santiago, dans les scènes plus ou moins équipées de Marti et Trocha et jusqu’au bout des nuits. Dans un contexte - la province cubaine orientale - où la survie économique d’un groupe de salsa ou de timba est de toute façon très difficile et où les bons musiciens sont légion. Mais depuis quelques temps certains titres vitaminés de SUR CARIBE retenaient l’attention du public. On pourrait imaginer d’ailleurs que le groupe ait plus misé sur « El patatúm », une scie acrocheuse, que sur l’expérimental « Añoranza por la Conga » qui figure en n°13 dans le dernier morceau de l'album « Credenciales » (EGREM) pour franchir des marches supplémentaires vers le succès.

Mais, rapidement, la population de Santiago et de l’Oriente cubain s’est totalement identifiée à ce dernier morceau, le phénomène se répandant comme une traînée de poudre, dans le reste du pays. Les pirateurs de cédés (ils sont vendus à un peso convertible aux Cubains… quand le cédé vierge est fourni) se sont évertués de répondre à la demande, ceux qui sont restés aux cassettes copiant les cédés piratés (1).

Dans les soirées cubaines, « Añoranza por la Conga », approchant les quatre minutes, est systématiquement répété deux ou trois fois de suite, sinon plus et les assistants de tous les âges forment spontanément une file de conga où on se déhanche à qui mieux mieux en traînant les pieds.Petit événement symbolique : dans la fête de fin d’année que la « Casa del Caribe » de Santiago, institution à la fois culturelle et de recherche, offre à ses artistes et où se côtoient habituellement boléristes, tenants du son traditionnel ou de la nueva trova et chorégraphes afro-cubanistes, cette année la Conga de Los Hoyos, présentée comme formation symbolique de la ville, a fait l’ouverture de la soirée, les artistes distingués - sur leur trente et un - se déhanchant comme il convient sur les rythmes des vingt et quelques congueros de barrio qui ont commencé par jouer par-dessus le fond sonore de « Añoranza por la Conga ».

Comment se présente ce morceau ? On a affaire à un objet sonore non identifié : la conga symphonique dansante ! Un long appel fluide de corneta china (2) – celle du cornetiste de Los Hoyos, « Valentine » - est à lui seul remarquable. La Conga répond immédiatemant à l’invitation , comme il se doit et entraîne tout sur son passage. Mais le rythme, attractif par lui-même, devient inhabituellement harmonique. A la section de cordes de l’orchestre symphonique de Santiago répond la section de cuivre bien équilibrée de SUR CARIBE. De plus, les instruments mélodiques participent de fait à la polyrythmie, déjà on ne peut plus riche. Des ponctuations sous forme de petit solos percussif inhabituels et incisifs, dans le plus pur style de la conga orientale (et loin de la facilité du « caballito » honni par les vrais connaisseurs) au quinto mettent bien en valeur que la Conga de Los Hoyos ne se contente pas d’offrir ici un tapis rythmique, en l’occurrence somptueux, mais que l’Esprit de la Conga…est là et bien là. L’arrangement, jonglant entre des éléments a priori disparates, est complètement réussi.

Que dit « Sierra Maestra » à ce sujet ? : « Nous nous trouvons devant un sujet musical complexe mais bien structuré, cohérent, avec un message clair, facile à recueillir et avec l'aimant indispensable des succès. Celui qui écoute le morceau, depuis la première jusqu'à la dernière mesure est entraîné par la magie exclusive de la conga, qui, en même temps que les pieds et les hanches, fait vibrer les sens. Pour le dire avec davantage de clarté, par la conga santiaguera a franchi une étape additionnelle dans la place sommitale qu'elle occupe déjà, et cette fois par l’entremise de SUR CARIBE et de la CONGA DE LOS HOYOS», (…) groupe emblématique au Cuba ».

Ce commentaire traduit une chose. C’est la musique qui prime dans l’impact de ce morceau même si le texte de la chanson n’est en rien insignifiant : il commence par parler d’un thème bien contemporain, celui d’une Cubaine en exil (intérieur peut-être : l’héroïne pourrait être qualifiée du péjoratif « palestina » (3) à La Havane, ou tout bonnement extérieur), Micaela, pour qui « la conga » résume et symbolise tout ce qui lui manque, thème qui ne peut résonner dans toute famille cubaine depuis qu’au million de personnes exilées à Miami depuis les années ’60 s’est ajouté dans la dernière décennie une expatriation du même ordre de grandeur dans le reste du monde, en particulier en Europe. Puis le texte laisse une peu de côté Micaela et le thème initial pour se livrer au jeu question-réponse (antiphonal disent les spécialistes) du soliste et du chœur, à la façon dont, dans une conga de rue, l’assistance populaire reprend spontanément des phrases ayant trait à l’actualité vécue ou appartenant à la culture collective. Musique et texte ad hoc, c’est la symbiose collective que représente la Conga qui est ici plébiscitée dans un désir fusionnel incarnée dans la file serpentine des danseurs.

Le clip du morceau, souvent diffusé à la télévision cubaine, dans l’émission Vidéosol en particuler, représente sous formes de séquences vidéos très courtes - de quasi diapositives - les congueros de Los Hoyos et la population du quartier unie par un geste du bras spécifique illustrant l’avancée délicieusement inexorable de la Conga, tous faisant face sans ciller à la caméra. Les gens et leur quartier y sont montrés sans fards, loin des clichés touristiques et il est clair qu’on à affaire à la fierté collective d’un quartier défavorisé à travers son identification à « sa » conga (Los Hoyos).

Les santiagueros ont vécu comme un camouflet le fait que ce clip n’a pas obtenu de prix à la cérémonie de décembre des Lucas (la compétition cubaine des clips vidéo musicaux), y compris les fans de la gagnante du prix de la popularité… l’incontournable Haila. Pour eux, le morceau méritait les honneurs indépendamment des mérites esthétiques du clip. Et de critiquer la composition exclusivement capitaline du jury. Une manifestation parmi d’autres des griefs ancestraux contre La Havane monopolisatrice et si éloignée de « La loma »(4).

La ville à la réputation rebelle a répondu en faisant du morceau « Añoranza por la Conga » un hymne entendu en continu dans les fêtes de fin d’année, le son tourné à fond de tous les amplis des chaînes Hi-Fi bricolées associées à celui des mini-chaînes achetées aux prix fort s‘échappant de toutes les maisons en possédant une telle sonorisation. Dans la ville encore plus orientale de Guantánamo, occupée par ailleurs par la deuxième édition de son festival bi-annuel de changüí, la réaction fut la même. Le quotidien régional de Santiago a enfoncé le clou : « Mais comme le public est sage et vaut le jury le plus exigeant et habile, la conga "symphonique" de Sur Caribe et de la Conga de Los Hoyos se sont imposés dans la faveur populaire. (…) Bien que le morceau n'ait pas reçu prix dans le "Lucas" 2005, on a gagné un autre prix : le succès mérité ».

La conga orientale, un des styles cubains les moins diffusés en dehors de l’île, va-t-il devenir à la mode ? Une formation chérie des media cubains, le duo "Buena Fé", originaire de Guantánamo s'est enthousiasmé pour « Añoranza por la Conga » dont il a obtenu une bande multi-piste, et il annonce déjà, qu’il rendra hommage à la conga santiaguera dans son prochain cédé.

Dans le carnaval santiaguero de ces dernières années, l’attention de la population aux défilés des congas et à leurs concours paraissait un peu faiblir au profit des aspects de « fête patronale » bien arrosée du carnaval (certes déjà bien présents depuis toujours comme le prouve les paroles du vieux succès mémorable de l’Orquesta Chepin Chóven le « Platanal de Bartolo », dont le titre fait allusion à une sorte de guinguette – version tropicale - de carnaval).

La conga orientale comme patrimoine est-il dans un processus qui le fait passer de la participation populaire dans la rue à la médiatisation ? Avec le succès de « Añoranza por la Conga », on assiste à une écoute certes active, mais qui se déconnecte de la musique jouée en direct au profit d’un enregistrement. Mais en matière de musique traditionnelle, malgré les tendances mondiales lourdes, il est dangereux de faire des pronostics, le goût populaire s’ingéniant à les déjouer. On peut assister aussi bien à une « revitalisation » (si j’ose dire car rien n’est anémié dans ce contexte !) de la conga de rue qu’à la multiplication d’enregistrements de congas sous la houlette des arrangeurs locaux (ceux-ci sont plein d’idées, les meilleurs connaissant la conga orientale depuis le berceau)… ou on ne sait quelle hybridation, parmi les hypothèses les plus optimistes. Celles-ci ne s’excluent d’ailleurs pas. Je vous fais grâce des hypothèses pessimistes.

« Añoranza por la Conga », jusqu’ici simple enregistrement de studio va passer à l’étape de la scène : Sur Caribe et la Conga de Los Hoyos présenteront leur expérience au public de Santiago au mois de février. Gageons que l’été prochain, pour le carnaval de juillet, autour de la Saint Jacques (Santiago Apostol) « Añoranza por la Conga » sera toujours un symbole omniprésent.


Santiago de Cuba, 2 janvier 2006 et Paris, 8 janvier.
© Daniel Chatelain

P. S. : Un mois après la rédaction de cet article le titre « Añoranza por la Conga » se maintenait numéro 1 des clips de l'émission cubaine "Vidéosol" , classement établi d'après les demandes des téléspectateurs cubains... (11/02/2006).

(1) Bien avant la sortie officielle du CD!

(2) corneta china : hautbois aux faux airs de bombarde bretonne, mais originaire de Chine (Canton), seul instrument à vent traditionnel de la conga orientale. Il a été intégré à celle-ci au début du XXe siècle sur le modèle d'une Conga du quartier Tivoli, qui l'avait emprunté à la communauté immigrée chinoise de Matanzas. Cuivres et saxophones sont, eux, associés à une autre tradition du carnaval oriental, le paséo.

(3) "palestinienne" : qualificatif injurieux concernant les immigrés de l'intérieur des Provinces d'Oriente venus s'entasser dans les solares de La Havane ou dan sa périphérie (probablement une allusion aux camps de réfugiés).

(4) "la colline" : terme qui désigne la aussi bien la colline que constitue le centre historique de Santiago que la région montagneuse d'Oriente face à el "el llano", la plaine de l'Ouest de l'île où est installé La Havane (cf le son historiquede Miguel Matamoros : "Son de la loma")

 

Liens :

- Quotidien Sierra Maestra

- Site de Ricardo Leyva et Sur Caribe. Avec écoute d'extraits des 3 CD de Sur Caribe et visionnement d'un clip ("El Patatum") pour systèmes Windows.

Egalement à propos de la Conga de Los Hoyos sur ritmacuba.com

Appel š participer au carnaval de Santiago

Récompense pour la Conga de Los Hoyos

Gallerie photos : El Rey del Barrio : "Chan" (Museo del Carnaval, Santiago de Cuba)

Gallerie pohtos : L'Invasion des Congas (Santiago)


 

Le texte (traduction)


AÑORANZA POR LA CONGA
(musique et paroles: Ricardo Leyva)


Micaela est partie pour d’autres terres
Cherchant son chemin.
Bon ou mauvais, sait-on jamais?
Le destin le lui impose:
Elle pleure et souffre et pense à son bon vin

Chœur:
C’est pas du vin, M’sieu, c’est pas de l’eau de vie, c’est sa conga, M’sieu, sa conga santiaguera.

Solo:
Rien ne la réjouit,
Elle ne fait que réfléchir
Et céder à la douleur
On dit qu’elle se meurt
On dit qu’elle veut ce qu’elle n’a plus :
Danser sa conga dans la rue

Chœur
Seule avec Los Hoyos

Solo :
Micaela est partie et ne fait plus que pleurer

Chœur
On dit qu’elle se languit de sa conga.


 
Texte complet en espagnol

Solo
Micaela se fue pa'otra tierra buscando caminos,
que por buenos o malos quien sabe le impulso el destino.
Solo vive llorando, sufriendo y pensando en su vino,


Coro
que no es vino señor, ni aguardiente señor, es la conga señor, santiaguera.

Solo
Nada la contenta, solamente piensa y solo la atormenta el dolor,
dice que se muere, dice que ella quiere, lo que ella no tiene,
que es arrollar, Chago !


Coro
sola con los Hoyos.

Solo
Micaela se fue y solo vive llorando,

Coro
dice que es la Conga es lo que está extrañando.

Solo
Que si me falta la Conga me zumbo y me mando,


Coro
pero Micaela vive recordando.


Solo
Un farsante me dijo que yo era roquero,


Coro
pero eso es mentira porque soy conguero.


Solo
Que no me quiten la Conga, que es rica y barata.


Coro
y la cucaracha baila con la gata.


Solo
Oye bien soqueton cuida bien a tu jeba,


Coro
porque viene el lobo y luego se la lleva.


Solo
Que dos botella de Ron de Caribe Refino,


Coro
una pa' la conga y otra pa'l camino.


Solo
Que al igual que la conga la gente me sigue,


Coro
sigan guarachando con el Sur Caribe.


Solo
Que yo no quiero molote, no quiero relajo,


Coro
luego de la conga vayan pa'l trabajo.


Solo
Si los santos son tantos, son tantos más tantos,


Coro
óyeme Mayeya no juegues con los santos.


Solo
Que los mejores congueros tienen disciplina,


Coro
sigan arrollando y paren en la esquina.


Solo
Con el chenchebochenche cualquiera va a caer,


Coro
pónganse la capa que ahorita va a llover.


Solo
Y para despedirme que canten los cantantes.


Coro
Oigan Santiagueros sigan adelante
Oigan Santiagueros sigan adelante
Oigan Santiagueros sigan adelante

 


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