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Santiago de Cuba - Juillet

Mise en ligne de la page :  10/08/22. Ajouts : 24/08

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- Documentation ritmacuba.com : PORTRAITS AU FIL DU TEMPS -     


TEMPLO SAN BENITO DE PALERMO,

SANTIAGO DE CUBA

de Daniel Chatelain    


Fr :
À Cuba, palo monte et santería sont des religions qui se pratiquent dans de "maisons-temples". À l'inverse du candomblé brésilien qui se pratique dans des terreiros marquant le paysage de leur quartier, ces "maisons-temples" sont la plupart du temps des habitations personnelles munies d'un patio, mais qui n'ont rien de remarquable de l'extérieur. Le temple San Benito de Palermo qui affiche fièrement son identité sur sa façade est une exception.
Son salon de cérémonie est intégré à un ensemble d'habitations et un patio où trône l'arbre sacré des Afro-cubains, la ceiba (cf bas de page). La famille nombreuse de son fondateur et les liens de la famille religieuse ont contribué à un système de regroupement de logements qui présentent des analogies aves le "compound" des familles élargies de l'Ouest africain sub-saharien.



Reynerio Pérez
Reynerio Pérez, Collection Abelardo Larduet





REYNERIO PEREZ QUEZADA (189?-1974)

Natif de Los Árabos, une petite localité à l'extrême est de la province de Matanzas, il arrive à Santiago de Cuba entre 1909 et 1912, revêtu de l'uniforme jaune de la Garde Rurale. Ses parents étaient réputés venir d'Afrique de l'Ouest, bien qu'il ait aussi été dit que son père était d'origine congo. Il était pratiquant de la regla de palo monte, répandue dans son lieu d'origine. Avec lui, la règle de palo monte, dans sa variiante mayombé commence à se transmettre en Oriente selon les normes occidentales du pays, avec quelques adaptations locales.

Dix de ses quatorze enfants seront initiés, par le père dont Mirta Pérez qui prendra sa suite dans l'initiation au palo monte, considérée comme une palera majeure. Il est un moment sergent de la police municipale. C'est une personne  très sociable, qui participe à la vie urbaine. Il adhère à une loge maçonnique.


Il fonde le temple San Benito de Palermo dans le quartier de Los Hoyos en 1922, nom de saint catholique assimilé à la communauté afro-cubaine (cf. infra). Trésorier d'un cabildo de nación de la cité, il prend en charge la procession de Santa Barbara, laquelle correspond à Changó dans les codes syncrétiques
santeros. Cette procession où la sainte vêtue aux couleurs de l'oricha Changó (rouge et blanc) traverse la ville et se prolongeait autrefois jusqu'à la mer, en salutation à Yemayá. La procession devient régulière entre 1937 y 1959. Elle retrouve sa plein régularité en 1994. Ainsi, c'est toujours la statue de Santa Bárbara du templo San Benito qui sort du lieu pour prendre la tête de la procession de Santa Bárbara à Santiago le 4 décembre.

Pendant la dictature de Machado, hostile aux cultes afro-cubains, le temple est l'objet d'attaques de la puissance publique dès 1925. Trois ans plus tars, les journaux du 8 septembre relatent avec force termes dépréciatifs qu'une cérémonie du 5 septembre préparant le jour d'Ochún a été interrompue par la police, que des coups ont été échangés, des pierres lancées, les objets de culte et instrument de musique confisqué (dont deux... maracas!) et Reynerio Pérez incarcéré, avec d'autres participants.

On apprend des photos de ces journaux que les instruments musicaux utilisés à cette époque ne sont pas des tambours rituels mais sortis  de l'environnement local (tamborita pouvant provenir aussi bien de la comparsa carabalí que d'une tumba francesa, bocú créé dans le même quartier de Los Hoyos vers 1913 pour le carnaval : l'instrument pris en photo pourrait être un bocú salidor de grande taille (et non un tambour iyesá comme il a pu être rapporté). Dans la suite de l'article la nature du troisième tambour, à demi masqué, de petite taille, ou intermédiaire, avec laçage se précisera quelque peu.




Les objets et instruments saisis par la police. 1928



Reynerio s'initie à la santería en 1933 (voyageant pour ce faire à la Havane), sous le nom lucumí (langage d'héritage yoruba) d'Obbi Kola, fils de Changó. Sa "mére de Saint" à La Havane avait pour nom Caridad Pacheco. Á cette date il avait déjà beaucoup d'adeptes en palo mayombé, qui, en général, se feront peu à peu santeros. Bien qu'il existait déjà à ce moment quelques santeras au Tivoli et à Los Hoyos, en général affiliée à Rosa Rorres et Aurora Lamar (celle-ci de La Havane), Il devient un personnage central de la santería en Oriente, avec la famille d'affiliés la plus nombreuse de la province.

Il créa un lien très fort avec ses adeptes en instituant chez ceux-ci une double initiation, successivement palera et santera. Il s'est dit, par ailleurs, qu'il cherchait à éviter qu'eux-mêmes initient directement des fidèles, afin de prendre en charge lui-même les adeptes de la seconde génération. Ce qui ne fut pas d'ailleurs sans désobeissance, provoquant à l'occasion une nouvelle famille de saints.

ll considérait qu'un initié au palo monte, homme ou femme, ne pouvait pas être homosexuel et vu le lien qu'il établit entre palo et santería, il s'oppose sur ce sujet à d'autres familles santeras accueillant des homosexuels (ces derniers sont souvent adeptes d'oricha féminins, comme Ochún, quelquefois Yemayá et revêtent leur parures). Outre ce dernier élément restrictif, Abelardo Larduet (2014) décrit aussi la manière dont R. Pérez est à l'origine de l'expansion de la santería vers Las Tunas (fin des années 1930) et révéré comme tel dans cette autre province orientale.



tamplo fachada

Partie de la façade
poto Philippe Dellières

L'autel avec Santa Barbara.
oto Daniel Chatelain

Pipo en una ceremonia en el templo en 2007 - f
Pipo dans une cérémonie du temple. Ph
oto Daniel Chatelain


Pour terminer les initiations de santeria (nécessaire cérémonies de présentation de l'adepte aux tambours consacrés), R. Pérez faisait venir de La Havane les tambours batá de Nicolás Angarica, puis de son fils Papo Angarica. L'autre branche santera de la ville, celle d'Aurora Lamar et de son adepte Rosa Torres fit appel aux Havanais Fermín (le premier qui fit sonner ces tambours à Santiago en1949), Pablo Roche et Jesús Pérez, sur un rythme qui s'établit à deux fois l'an.

Que se jouait-il à Santiago de Cuba dans les cérémonies de santeria entre les moments de présence des tambours havanais consacré jusqu'au début des année 50? La réponse de Fernanto Ortiz dans "Los instrumentos de la Música afrocubana (5 volumes) est : trois tambours substituts de batá, les trois nommés "okmelé", y compris la "tambora de Santa Barbara" (qui nous rappelle la tambora de 1928). Il ajoute "Également à Santiago, récemment, dans le temple lucumí d'un santero de Matanzas, nous avons vu de la musique jouée avec trois tambours bimembranophones ; deux d'entre eux en portées, sans forme clepsydrique et ambipercussives à la main, et l'autre une tambora  à deux peaux mais à simple percussion avec une batte". On est bien dans le temple San Benito et la description correspond en tout points à la photo en regard sur la page (cf ci-dessous).

Dans le livre, nous sommes, avec "le trio de batá de Santiago de Cuba" dans une partie de l'ouvrage sur les substituts de bata, catégorie que Don Fernando tenait en piètre estime face au référentiel des batá consacrés. Le tambour à
demi caché de la photo de la saisie pourrait correspondre à un des deux petits batá ci-dessous. Dans cette hypothèse, nous aurions déjà dans la photo de 1928 deux tambours du trio du début des années '50. Apparaissent ainsi deux étapes étape vers le référentiel "orthodoxe". L'étape suivante fût les batá "aberikula" (épousanr les caractéristiques voulues  d'un trio de batá, mais profanes.



bata Santiago


A la fin des années 1980, Santiago de Cuba acquiert ses propres jeux de tambour (Mililián Galis Riveri, précédant de peu les frères Chiqui et Vicente Portuondo). Tant et si bien qu'un membre de la troisième génération de la famille Pérez, José Guzmán Pérez, "Pipo", fils de Changó (Oba Cotó) finit par avoir son propre jeu consacré en 1997, fils du jeu du célèbre matancero Cha Cha, disponible pour les cérémonies liées au temple ou à d'autres lieux de la province. (cf lien vidéo infra). Le jeu fût baptisé du nom religieux de Reynerio Pérez, Obbi Kola


bata-alimentation
Ceremonia de alimentación de los tambores batá - 2007 - Foto Daniel Chatelain
Cérémonie d'alimentation des tambours batas


Los tambores batá preparados por la ceremonia de alimentación - 2007 - Foto Daniel Chatelain
Les tambours batas préparés pour leur alimentation


La Conga de Los Hoyos est le ciment de ce quartier. Dans les "invasions" où cette conga fait le tour de la ville, actuellement deux fois par an, Pipo a institué une nouvelle tradition avec ses tambours bata qui précèdent la conga de quelques centaines de mètres et montre dans l'action que le temple et se quartier Los Hoyos ne font qu'un. De même ses tambours batas sont devenus indissociables des défilés de Santa Bárbara le 4 décembre..

Un autre jour d'affluence dans le temple est la nuit du16 au 17 décembre pour le bembé de San Lázaro, où la statue de celui-ci prend la plus haute place de l'autel.


Portrait de Reynerio Pérez dans le défilé de Santa Bárbara (DR)
bata en el templo
Jeu de bata de Pipo dans le défilé de Santa Bárbara (DR)

Statue de San Benito de Palermo dans la cathédrale de Camagüey (DR)





SAINT BENOIT DE PALERME

Connu également sous les noms de BENEDETTO DE SAN FRATELLO ou BENEDICTUS DE SAN PHILADELPHIO. Il est né en Sicile de parents subsahariens. Sa mère était une femme libre, tandis que son père était un Africain encore asservi, ses parent étaient de fervents chrétiens et lui inculquèrent un respect inconditionnel de l'église. Il se fit ermite avant de rejoindre une confrérie franciscaine et de prendre finalement la robe dans un couvent près de Palerme. Ce saint noir a été adopté par les Afrocubains pour les représenter. Parfois appelé par eux San Berenito

De San Benito a San Berenito

"San Berenito, Santa María,
Santa María, San Berenito,
¡todo mezclado!"
(Nicolás Guillén, Son n°6)




La estatua de Santa Bábara arriba del altar. Foto Daniel Chatelain 2007
La statue de Santa Barbara en haut de l'autel
Lula Pérez
Laudelina "Lula" Pérez Tejera y La Santa Barbara del templo en procesión - 2016. Foto Daniel Chatelain.

Varios omo añá en la ceremonia de alimentación de los tambores batá. Foto Daniel Chatelain 2007
Une partie des omo añá participant à la cérémonie d'alimentation des tambours batá





LAUDELINA "LULA" PÉREZ TEJERA
 
Santera depuis 1964, fille de Reynerio Pérez, a pris de longue date la direction du temple. En 2022 à 98 ans, devenue aveugle, elle en acait toujours le titre. Est décédée peu de temps après la création de cette page (cf vidéo infra).


Deux vues de la vidéo sur Lula (cf infra) :

del video 1
Le temple vu du haut de la rue Pérez Andres. 2003

Façade du temple. 2003

Vidéos  : 



https://youtu.be/ITdlD0OjhgA

https://youtu.be/n3ym877UyrI

https://youtu.be/E5iDdzc4Fyk

https://youtu.be/EoU_SWu1fec

https://youtu.be/imrrHg3LVC4

https://youtu.be/wu8NOHMDUQc
Lula, la que manda en este salón soy yo. 2003, filmé dans le templeo.

Cérémonie d'alimentation des tambours batá dans le temple. Tambour de Pipo


Défilé de la statue de Santa Barbara aves les tambours bata de Pipo, Festival del Caribe 2016

Tambour de Gali dans le temple 1. Eleguá

Tambour de Gali dans le temple 2. Oyá

Tambour de Gali dans le temple 3. Yemayá et Obatalá



Estatua / Statue San Lázaro.2001. Photo DC
ceiba 2001 1
Ceiba en 2001-A. Photo DC

Ceiba en 2001-B. Photo DC


Ceiba en 2001 C. Photo DC
Ceiba 2001 4
Ceiba en 2001 D. Photo DC




TEMPLE MATILDE VERANES

Dans le même quartier de Los Hoyos, un autre temple de palo monte, plus modeste, arbore aussi sa nature sur sa façade : le temple Matilde Veranes, baptisé ainsi à la mémoire de sa fondatrice. Sans doute faut-il voir dans cette inscrition  une influence du templo San Benito. Il détient aussi une ceiba dans son patio. En premier plan, posant amicalement à l'improviste : "Ten Ten" célèbre et populaireS figure de la Conga de Los Hoyos, qui était un des habitants. Il est décédé qelques semaines après cette photo. QEPD



Foto / Photo Daniel Chatelain


Remerciements :

Philippe Dellières, Claudine Jobet, Egle Ferrera (Casa de Africa), Daniel Mirabeau, l'olubata Pipo et ses omo añá, l'olubata Gali, Lula.
Ermarito "Ogún Leti" Herrera, le babalao centenaire "Kojín" (QEPD) : cf vidéo
Et l'indispensable libro de Abelardo Larduet.

Sources

Daniel Chatelain. "Entrevista a Laudelina "Lula" Pérez, templo San Benito de Palermo, 2003

Abelardo Larduet Luaces. Hacia una historia de la santería santiaguera y otras consideraciones. Editorial del Caribe, Santiago de Cuba, 2014

Olivette Otele. Une Histoire des Noirs d'Europe de l'antiquité à nos jours. Albin Michel, 2022. Traduction de : Africans Europeans, an Untold History, C. Hurst & Co Ltd, 2020.

Fernando Ortiz. Los instrumentos de la Música Afrocubana, 5 vol., La Habana, 1953.

Eliezer Pérez Angueira. El libro de Alabba. Complemento escrito del documentario Alabba. Inedito. https://youtu.be/ZfLffiFDzcA

Eron Kathleen Rowe. Black saints in Early Modern catholicism, Cambridge University Press, 2019


© Daniel Chatelain / Ritmacuba.

ceiba

Extracto de nuestro video de 2003
Extrait de notre video de 2003



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