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Santiago de Cuba - Février & Juillet
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EL BONNY PARLE. AUTOUR DE LA CHANSON « EL BONNY »

interview par Daniel Chatelain


 
El Bonny (© Daniel Chatelain)


Personne n’avait encore interviewé celui qui est à l’origine du hit cubain le plus important des premières années du XXIe siècle, ce succès dont toute la gloire… et les revenus associés sont allés à celui qui a préféré le signer seul, David Calzado, leader de la Charanga Habanera. L’interview s’est fait dans sa banlieue havanaise, dans le patio familial qui regroupe différents logements de la famille Torres, unie par de traditions populaires solidement établies, à quelques mètres d’une pièce (mais mérite-t-elle ce nom ?), où il vit dans des conditions matérielles difficiles. dc

Pour plus d'éléments explicatifs, consulter la page : "EL BONNY" : UN SUCCES...


- Bonjour Roberto, peux-tu me préciser ton nom et ta date de naissance ?
- Je m’appelle Roberto Duquende Torres, né le 27 décembre 1964.


- On t’as toujours appelé El Bonny ?
- Depuis l’école secondaire. Quand on partait travailler à la campagne je jouais sur la valise de bois pour m’accompagner. La musique m’a toujours plus, j’ai toujours été dans la « farandula » musicale. C’était mon rêve, toujours à composer des chansons… Alors je frappais la valise avec un peigne et je toujours une chanson à la mode, une chanson des Boney M qui a ce refrain avec « shalala », et une copine d’école m’a désigné comme« El Bonny » ; on a commencé à m’appeler El Bonny à partir de ça.


- A partir d’une chanson ! Tu en as composé beaucoup de chansons ?
- Ah ! Une infinité. J’en ai un tiroir plein dans un coin…


- Tu les mets sur le papier ?

- Oui, je n’écris pas de partitions, mais je mets les paroles sur papier. Je n’ai aucune connaissance musicale (1). Mais je compose paroles et musique.


- La chanson d’El Bonny, c’est ton histoire ?
- D’une certaine manière je suis un type verni. D’une certaine manière, parce que j’ai beaucoup d’admiratrices par moments, et à d’autres je n’ai personne. Pourquoi ? parce que je suis fauché (« palmao »), je n’ai pas un radis (no tengo un dinerito). Comme dit Orlando Contreras dans la chanson, les femmes restent avec les hommes s’ils ont de l’argent. Je suis entouré de femmes, mais elles ne restent pas avec moi, car je n’ai rien. Alors ça m’est venu de chanter :


« El Bonny esta palma’o
El Bonny esta palmiche
El Bonny esta una pasta mami
Pero pama’o pa’que te sirve ? »(2)


Je chantais ça dans les quartiers, dans les cantines, pour le voisinage. On me donnait 3 pesos par ci, 5 pesos par là pour que je chante ma chanson. J’étais tout le temps dans la « farandula », là où il y avait un orchestre cubain et je suis devenu copain avec la chanteuse Haila (de Bamboleo) qui m’a inspiré une chanson.


- A ce moment-là, la chanson (« El Bonny »), tu l’avais écrite depuis combien de temps ?

- Deux ou trois ans.


- Elle avait deux - trois ans quand tu l’as présentée à David Calzado
(le directeur de la Charanga Habanera) ?
- A ce moment-là la Charanga Habanera était encore récente, mais je l’avais écrite bien avant. La Charanga Habanera avait une dizaine d’années, mais je l’avais écrite avant l’existence du groupe. Tout le voisinage sait que la chanson est mienne pour ça. Je la chantais avant la Charanga Habanera.


- Qu’est-ce qui s’est passé avec David Calzado ?
Un des chanteurs de la Charanga Habanera qui est marié avec la chanteuse Haila, m’a dit : "Bonny chante ta chanson à David Calzado pour voir si ça l’intéresse pour la Charanga Habanera". Il s’agissait d’une chanson qui disait (il chante) :


« Une femme qui m’a laissé pour un chanteur qui passe à la TV… ».


Je lui chante et il me vient de lui chanter aussi « El Bonny », qui était la chanson par laquelle mon voisinage me connaissait. Et il s’est trouvé que c’est « El Bonny « qui lui a plu, pas celle qui avait frappé le copain chanteur.


- Qu’est-ce que David Calzado a apporté à la chanson. Qu’est-ce qu’il a modifié ?
- Presque tout. Le texte, il a mis deux refrains en plus. Et il a gardé le refrain. Il a dit que comme elle était avant, la chanson était vulgaire. Il y avait des choses comme :


« Sin guaniquiqui… No hay cuchi cuchi »
(« Sans pèze… pas de baise »),


ça ne lui a pas plû!


- Pour le refrain, il a gardé ta mélodie ?
- Oui, c’est la mienne.


- Et pour le reste?
- Il a changé le reste de la mélodie aussi. En fait, l’auteur de cette chanson, c’est un binôme : David Calzado et, moi, Roberto Duquende Torres. Mais comme je n’avais pas un statut de compositeur reconnu, il a signé seul et j’ai été laissé pour compte. Si j’avais été un compositeur repéré, il m’aurait pris en compte comme co-auteur, mais comme j’étais inconnu…


- Quand la Charanga a étrenné le morceau, il t’a fait monté sur scène…

- Oui, à la Casa de Musica de La Havane, au moment où il y a la partie qui est de lui et qui dit :


« Yo soy El Bonny
Y no tengo money
Pero tengo fama
A mi no me tocan campana »


- Et il t’a présenté comme…
- co-auteur.


- Il t’a donné combien d’argent pour la chanson ?
- Vingt dollars et 100 pesos*. La dernière fois, il m’a donné 10 dollars, il y a 7-8 mois.


- Si tu avais à parler de lui, qu’est-ce que tu dirais ?

- Il sait bien profiter des talents. Il sait faire jaillir le blé (« lasca »), il arrange ça à sa sauce. Et s’il voit que le type est sans réaction, il le bouffe jusqu’aux os. Il lui fait son compte. Mais si le type a du répondant, un compositeur reconnu comme Amaray, qui lui a aussi donné une chanson avant « El Bonny », là ça se passe autrement.


- Si tu l’avais en face de toi qu’est-ce que lui dirais ?
- Bon moi, je ne veux plus rien dire. Je me suis résigné maintenant, c’était mon tour de perdre, j’ai perdu. Une autre fois, je veux faire enregistrer à la société d’auteur avant quoi que ce soit. Pour le prochain CD de la Charanga, il se peut que je propose deux morceaux… ça n’a rien de sûr.


- Pour l’instant tu n’es toujours pas à la société d’auteur…

- Bientôt, bientôt, car je vais faire un orchestre qui s’appellera « Bonny D. T. y su D. T. Swing », D. T. pour mes deux noms de famille, Duquende Torres.


- Tu as d’autres refrains qui ont été enregistré ?

- Il y en a un enregistré par Azucar Negra, le groupe de Limonta. La chanson s’appelle « Tratado de timba con salsa ». (…). C’est Haila qui le chante dans le premier CD du groupe, ça a 7-8 ans.


- Ce qui t’intéresse c’est le nouveau groupe.

- Faire l’orchestre et composer pour moi. Un groupe avec une double direction, avec Mayito.


- Tu vas chanter ?

- Oui, j’ai déjà chantée, j’ai fait des descargas avec le Conjunto Chappotin, l’Orquesta Los Filin… J’ai chanté dans les Casas de Cultura pour de la Trova avec Van Draun, des chansons de José José… Quand on va faire l’orchestre, je ne serais pas le seul chanteur, l’autre chantera plus, il donnera la puissance, je suis plus compositeur que chanteur…


- On m’a dit qu’il y avait une « réponse » à « El Bonny ».
- Oui, elle sera chanté dans mon prochain groupe, car elle ne peut pas être chantée par la Charanga Habanera. Elle dit (il chante) :

« El Bonny soy yo
Y nadie mas que yo
Yo soy el tipo
El tipo soy yo
(…)
Ya no estoy palma’o
No me le digas mas
Que me pongo fuera de fase »

(« El Bonny c’est moi
Et personne d’autre
Le mec c’est moi
C’est moi le mec
Et personne d’autre.
(…)
"Je ne suis plus fauché
Ne me le dites plus
Ou je pète les plombs").


- 7 août 2004 -
© Daniel Chatelain et Roberto Duquende Torres


(1) Il faut entendre, bien sûr, aucune connaissance académique. En dehors de ses expériences dans le chant, dont il parle, il passe sous silence qu’il est un tambourinaire traditionnel dans le cadre de son groupe religieux familial (palo monte), groupe amateur largement primé dans cette catégorie.


(2) Pour le sens des extraits de la chanson voir la page : "EL BONNY" : UN SUCCES...


*Equivalent de 4 dollars en monnaie nationale. El Bonny a reçu donc en tout et pour tout, pour avoir été à la base d’un hit qui a dépassé le cadre national cubain, le plus grand du groupe le plus adulé de la jeunesse cubaine, 24 dollars.


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