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Chroniques : Livres

LE JAZZ LATIN, DEFINITIVEMENT
par Michel Faligand

à propos de :
- TITO PUENTE AND THE MAKING OF LATIN JAZZ
de Steven LOZA
- !CALIENTE! Une histoire du Latin Jazz de Luc DELANNOY

“ Quand Diz et moi on blaguait, on finissait toujours par dire que le jazz était une grande chose,
mais que le rythme était monotone.
Aussi pensions-nous toujours à essayer de voir
si on ne pourrait pas faire quelque chose de nouveau. ”

Mario Bauzá.


Les hasards de l’édition, (...) le sujet commun surtout m’incitaient à rendre compte, dans une même rubrique, de deux livres récemment parus et consacrés à un courant musical très américain qui – heureusement – n’a pas fini de faire parler de lui : le Latin Jazz (1). Le premier ouvrage est délibérément centré sur Tito Puente, mais, au gré des pages, l’auteur sait laisser son héros dans la coulisse et remiser un style parfois trop hagiographique pour des coups d’œil rapides, vifs et passionnants sur l’Histoire du Latin Jazz. Il se rencontre alors avec l’auteur du deuxième livre dont l’ambition est peut-être plus grande et qui n’a pas le souci de ménager “ El Rey ”. C’est dire que – côte à côte sur le même rayon de votre bibliothèque – ces deux nouvelles éditions feront bon ménage. De plus, l’un et l’autre inciteront peut-être un dictionnaire spécialisé très estimable (3) à donner davantage de place au jazz latin.

 

TITO PUENTE AND THE MAKING OF LATIN JAZZ


Loza, Steven. Tito Puente and The Making of Latin Jazz. Urbana/Chicago (US, IL) : University of Illinois Press. 1999. ISBN 0-252-02332-3. 254x180. broché. 260 pages. Prix : $ 26.95. University of Illinois Press – Fax : + 1 217 8082 – www.press.uillinois.edu. Contents : Acknowledgments – Introduction – 1. A Historical Sketch – 2. A Conversation with the King – 3. The Salazar Perspective – 4. Joe Conzo : Reevaluations – 5. Reflections on the King : Ray Santos, Chico Sesma, Jerry González, Poncho Sánchez, and Hilton Ruiz – 6. Music Style and Innovation – 7. Identity, Nationalism, and the Aesthetics of Latin Music – 8. The King and I – Discography – References cited – Index – Illustrations follow pages 45, 128 and 218.

J’étais très très impatient de lire ce livre. Ayant déjà publié - cf. PERCUSSIONS première série numéros 44, 47, 52 et 58 - quatre des chapitres de l’étude que j’ai entrepris de consacrer aux multiples talents du musicien d’origine portoricaine, j’avais cherché à entrer en contact avec l’auteur quand j’ai eu appris que son ouvrage était en gestation, il y a deux ans de cela. Mon fax parvint-il à destination ? Le silence de Loza qui suivit m’incite à répondre non à cette question. Etant sur place, ayant des relations régulières avec les milieux du Latin Jazz aux Etats-Unis et particulièrement sur la côte ouest, étant musicien professionnel, Loza était évidemment mille fois mieux placé que moi pour mener à bien l’étude que j’avais imaginée et commencé à publier il y a cinq ans. Ma position très partisane dans cette affaire ne m’a pas empêché d’être prêt à lire l’ouvrage avec l’objectivité indispensable à ma crédibilité je pense. Qui plus est, avant de commencer la lecture, je me suis dit que ce que j’allais découvrir serait sans doute le livre que je n’avais pas eu le temps de terminer, mais cette pensée n’avait rien de déprimant pour moi. Maintenant que j’ai assimilé et refermé le livre de Loza, je crois pouvoir dire que son étude est construite d’une manière différente de la mienne, qu’elle est tout à fait estimable (d’abord, c’est la première), qu’elle ne m’invite pas à renoncer à poursuivre la mienne de même que – vraisemblablement – elle ne disqualifie pas l’édition projetée par Joe Conzo (“ La ” discographie de Tito Puente ?) ni le livre de Tito écrit ultérieurement avec Jim Payne (batteur) sur la musique cubaine, livre dans lequel Daniel Chatelain est présent*. Voyons maintenant les choses dans le détail ! Par le menu et les sous-menus.


Ce menu c’est la table des matières n’est-ce pas ? Sans aller plus avant, sa simple lecture permet de prendre conscience des intentions de l’auteur dans le traitement de son sujet. A lire cette table entre les lignes et à relire le titre de la publication, j’ai imaginé que – par un mouvement de balancier – Loza va profiter de l’espèce de monument qu’il élève à Tito (dès la quatrième de couverture, il force le trait : “ He is known as “ El Rey ” - The King – and has come to epitomize the Latin experience in music. ”) pour écrire l’Histoire de la musique latine, c’est-à-dire sa genèse, sa gestation et son évolution ; au sortir du livre, je ne suis pas sûr que mon attente ait été satisfaite. Je savais avant de lire Loza que le Latin Jazz n’est pas un monolithe et donc que “ notre ” royal timbalero est un représentant d’un courant qui – God save the King ! – en comptait pas mal avant-même que le mot ait été inventé et en vienne à supplanter “ afro-cubop ”, “ afro-jazz ”, “ cubop ”, “ jazz afro-cubain ” “ jazz cubain ”, rumcop ”,… Pour Loza, ce n’est pas si simple. Les interviews qu’il a choisi de mener en apprennent parfois davantage sur l’interviewé que sur le sujet (“ Le Roi ” !) de l’entretien, la loi du genre peut-être. Sauf, évidemment, celle de Tito lui-même, un Tito dont la Majesté s’abaisse parfois à des jugements eux-mêmes… condamnables, du genre de celui-ci : “ You have to realize that these percussionists [Chano Pozo and Mongo Santamaria] that came up from Cuba, they’re not really musicians. In fact in Latin America and Central America they call percussionists street musicians, but I studied, I went to study music. I went to music school, which they didn’t. ” Le fait d’avoir donné la transcription brute des dialogues nous vaut pas mal de répétitions, de termes qui – à l’oral – vérifient si le message “ passe bien ” et jouent un rôle positif (cf. Jakobson : la fonction phatique du langage), alors que dans une publication, ils sont vite perçus comme éléments parasitaires. A côté de ces scories, de temps à autre, les interlocuteurs de Loza se refusent à donner des précisions (“ je ne sais pas. ”, “ je ne me rappelle plus. ”) sur des faits cependant bien établis. A cela s’ajoute que trop souvent les questions de Loza sont plus longues que les réponses qu’elles induisent. Pour en revenir à Puente, je trouve dommage que Loza n’ait pas prévu des questions amenant l’instrumentiste-compositeur à parler de sa carrière avortée de danseur (accident de bicyclette ?) et des conséquences que cela a eues pour sa musique, de ce que lui a apporté la méthode Schillinger (4) , des objectifs qu’il s’était fixés quand il a ouvert son École. L’entretien avec Joe Conzo – “ Grand Chambellan ” ? - est irritant aussi bien quand il règle des comptes dont l’économie nous échappe que lorsqu’il se complaît dans le dithyrambe (“ We still consider Mozart a genius, Beethoven, Bach. But I think the same will be said for Tito’s music. ”, page 73).


J’ai beaucoup apprécié le chapitre six (presque un tiers du volume). Steven Loza y entreprend l’analyse de près d’un vingtaine d’œuvres composées et enregistrées par Tito, selon l’ordre chronologique, tantôt en s’arrêtant longuement sur un thème (Picadillo), tantôt en panoramiquant sur un disque entier ("Cuba y Puerto Rico Son"…). Cette stratégie lui permet de baliser une période qui s’étend de 1949 à 1994, c’est très convaincant ; les réflexions du musicologue sont souvent contrepointées par des extraits de conférences prononcées par Puente (1984, 1992, 1994) et de très nombreuses reproductions de partitions : c’est passionnant. Car l’essayiste a labouré le catalogue du “ Roi ” en profondeur et sans précipitation ; ses conclusions montrent bien que Tito Puente a su dépasser - aussi bien dans ses arrangements que dans ses interprétations, ses solos ou sa direction d’orchestre - le stade d’un savoir-faire à l’affût des modes pour se construire un style bien à lui dont les éléments déterminants ont certes évolué, mais n’ont jamais été bousculés ou abandonnés. Au passage, une petite précision qui relève un peu de l’anecdote. Le disque "Y parece Bobo" (Tico 8420) évoqué par Loza page 165 est un 33 tours/30 centimètres dont le chanteur est Chirico Dávila, on trouve maintenant la réédition en cédé (1994) de ce vinyle, mais, suite à une erreur de manipulation, la voix qu’on entend est en fait celle de Bobby Escoto, ce que le “ livret ” ne dit pas.


Les photos racontent, elles aussi, beaucoup de belles histoires, l’ensemble est assez impressionnant. Les textes ont été très attentivement corrigés puisque je n’ai relevé que quatre coquilles… et dans les quinze dernières pages. La liste des disques n’est ni complète, ni détaillée, Loza explique pourquoi. Les rares omissions de l’index (personnes - titres (disques, œuvres) – formations – institutions – lieux de prestations) n’empêchent point cet outil d’être opérationnel. Bien entendu, la bibliographie est exclusivement yankee (2), cette remarque n’est pas un compliment. Les lecteurs dont la langue maternelle n’est pas l’anglais des USA seront, à mon sens, moins gênés par les quelques tournures populaires ou argotiques propres à cet idiome que par plusieurs termes en espagnol dont la traduction n’est pas donnée… Une filmographie de Puente aurait été la bienvenue car elle aurait listé des références nombreuses et variées : films de fiction, interviews, shows télévisés, concerts. Dernière pique : sans être un irréductible “ tout.com ”, je regrette l’absence de référence concernant la toile. En résumé, l’ouvrage de Steven Loza fait honneur à son auteur et à son éditeur, il rendra les plus grands services aux amateurs de jazz et/ou aux amateurs de musiques latines. [R+++]

 

!CALIENTE! Une histoire du Latin Jazz

Jusqu’à ce jour, les seuls livres en français traitant du Latin Jazz à notre disposition ont été signés par Isabelle Leymarie, ce sont La salsa et le latin jazz édité par les PUF dans la collection “ Que sais-je ? ” n° 2 742 (cf. PERCUSSIONS . première série n°29 (7/8’93), page 27) et Le latin jazz aux Editions Vade Retro, CD-livre **(...) dont l’iconographie complète aussi le “ Que sais-je ? ”. L’ouvrage de Luc Delannoy a l’air de les ignorer (cf. bibliographie) tout en proposant une table des matières qui parfois rappelle le premier. Pour avoir lu ces deux auteurs avec une vraie motivation, un grand plaisir et une attention d’entomologiste, je dois dire que Delannoy ne condamne pas Leymarie à la poussière des greniers abandonnés. Le nouveau livre apporte des compléments à l’ancien et surtout une autre façon de voir les choses à partir le plus souvent d’un matériau original (les nombreux entretiens inédits avec l’auteur). Autre point commun aux deux auteurs : une fréquentation assidue des milieux musicaux yankees et antillais, voire sud-américains, Isabelle a vécu, joué, enseigné plusieurs années à New York, Luc Delannois y vit depuis quinze ans. Mais j’en viens à !CALIENTE !.
Le sous-titre indique bien la problématique dans laquelle l’auteur se situe : l’Histoire. Et là, Delannoy utilise avec beaucoup de talent l’importante documentation qu’il a rassemblée ou consultée : “ Il nous a semblé primordial de laisser la parole aux acteurs, musiciens pour la plupart, qui ont participé aux différentes aventures de cette musique. ” (page 21) Cela nous vaut pas mal de paragraphes originaux comme les pages consacrées à des biographies de musiciens célèbres et jusque-là inexistantes (Louis Moreau Gottschalk, Tata Güines, Chano Pozo) ou celles dans lesquelles j’ai découvert des musiciens que j’enrage un peu de n’avoir encore pu écouter (Emiliano Salvador). J’insiste sur la façon tout à fait positive dont Delannoy a utilisé ses entretiens, il a manifestement retravaillé ces produits bruts pour en donner une rédaction qui se coule heureusement dans son propre discours. Nous sommes donc loin des transcriptions d’enregistrements insérés tels que - comme chez Loza. Mais Delannoy n’est pas seulement historien ; très souvent en effet, il prend parti, aussi - le livre refermé – sait-on bien quels sont ses musiciens favoris, quels genres musicaux il privilégie, même si parfois son approche est très (trop ?) oecuménique. Au fil des pages, le lecteur subtil et perspicace découvrira des mots de passe quelques fois buissonniers et souvent prometteurs.
Les anecdotes rapportées font plus et mieux que distraire, quand elles gomment des rumeurs (ou légendes) comme celle de l’invention du clétage des tumbadoras par Carlos “ Patato ” Valdés ou celle de la mort de Chano Pozo. A l’occasion, elles précisent heureusement des points de chronologie (la batterie comme substitut des percussions cubaines) et, parfois aussi, elles épinglent le discours aberrant d’un musicologue (page 115). Sérieux et incisif, rarement péremptoire, cet essai contient d’autres thèmes de réflexion voire de recherches, qui sait ? virtuellement sources de futurs chapitres (évolution du set des percussions - Latin Jazz et salsa - Latin Jazz et danse - raréfaction des soneros).

L’ensemble de l’ouvrage m’a donc beaucoup intéressé. Cependant, je dois dire mes déceptions pour de trop nombreux détails. Ces points d’apparence mineure pervertissent soit le contenu, soit plus souvent la forme du livre. Détails que je détaillerai ici dans l’espoir qu’une réédition en tiendra compte.


Contenu : il m’est difficile de pas mettre le futur lecteur en garde contre l’emploi ici systématiquement fait du préfixe “ afro- ” (afro-brésilien, afro-colombien, afro-cubain, afro-péruvien,…) ; en matière de musiques cubaines, il me semblait admis que les termes “ musiques populaires ” (celles qu’Isabel Castellanos nomme je crois “ eurocubaines ”) et “ musiques afro-cubaines ” n’identifiaient pas exactement le même genre – le même contenu – musical. ; aussi ne me semble-t-il pas très musicalement fondé d’arpéger cet affixe à tout va. Ensuite, comment peut-on lire sans broncher ceci : “ Ce dernier [Francisco Aguabella], né à Matanzas (Cuba) en 1925, est un exceptionnel joueur de tambours batás qu’il a appris lors de son initiation à l’âge de dix ans aux rites abakuá. ” (page 184). On oublie ces erreurs quand on voit Delannoy mettre à jour les premiers rhizomes et les premières pousses aériennes du Latin Jazz, il semble moins assuré en ce qui concerne ses arborescences géo-musicales ; ce n’est pas un reproche mais disons que ce flou généraliste l’entraîne à passer en revue les musiques populaires ou régionales de la plupart des pays (nations) d’Amérique du Sud et, manque de temps, de place ou de compétence (ou des trois), il aligne alors des listes de genres musicaux qui – faute d’être au moins définis – demeureront lettres mortes pour le lecteur et rendront la lecture plus difficile et même fastidieuse, sans pour autant apporter d’arguments à la thèse proposée, et je ne fais que mentionner les risques d’approximation que ce type de “ catalogue ” comporte. A mon avis, quelques coups de gouge s’imposent. Dans plusieurs pages, Delannoy évoque l’enrichissement de certaines musiques latines par “ des harmonies de musique impressionniste française ”, des précisions étaient indispensables pour gagner la compréhension voire la conviction de l’amateur. Je regrette beaucoup que notre auteur ait passé sous silence les activités de trois formations dont le port d’attache est Paris, je veux nommer : l’Ensemble à effectif variable que dirige Alfredo Rodriguez, celui d’Orlando Poleo et Mambomania. Au chapitre des oublis, je regrette aussi que ni l’éditeur, ni l’auteur n’aient jugé indispensables la reproduction de deux cartes (les Amériques – la Caraïbe), l’insertion de quelques exemples musicaux (certains lecteurs auront peut-être un peu de mal à démêler l’écheveau des différents claves tel qu’il est verbalement déroulé) et aient renoncé à la publication de quelques photos, en matière d’illustration de ces 348 pages, c’était indispensable. i Caliente ! propose un tableau, pour un ouvrage à prétentions historiques : c’est insuffisant, et alors, les perspectives diachronique ou synchronique ne risquent-elles pas de se déliter dans des textes trop compacts ? J’en termine avec le contenu par quelques remarques sur l’appareil critique qui clôt le livre. La discographie est abondante et judicieuse ; toutefois, n’accorde-t-elle pas trop de place à des labels non-distribués en France ? L’appendice m’a paru constitué de citations qui ne semblent pas toutes extraites des entretiens inédits dont la liste est donnée dix pages plus loin, un mot d’explication n’était pas superflu. La bibliographie (livres et périodiques) est yankee pour au moins la moitié de ses références, elle ignore les livres d’Isabelle Leymarie : c’est tout à fait injuste, c’est donc inacceptable. Les périodiques spécialisés (Cuba, USA) sont quasiment censurés, PERCUSSIONS – qui n’a pourtant pas été ingrat avec le Latin Jazz - n’est pas référencé, Batteur-Magazine, Down Beat, Jazz Hot (5), Percussioni non plus. L’index qui - on l’apprend en le parcourant - se rapporte aux titres des oeuvres, aux personnes, aux genres musicaux, aux instruments compte suffisamment d’omissions (incompréhensibles à l’heure de l’informatique généralisée) pour rendre sa fiabilité douteuse.
Au plan de la forme, je regrette le nombre important de coquilles dont certaines ne sont pas vénielles (guagancó au lieu de guaguancó – guïro pour güiro – Eckstine au lieu de Erskine – Radolfo pour Rodolfo – sériale pour sérielle,…) surtout que certaines d’entre elles sont répétées. Je ne m’attarderai pas sur les erreurs d’accents (réitérées elles aussi au fil des pages), d’ailleurs, était-il nécessaire d’accentuer plus ou moins exactement les mots castillans et pas les mots portugais (Brésil) ? Les termes en franglish (exemples : passés simples au lieu de passés composés – “ introduire ” pour “ présenter à ” - “ intermissions ” pour “ pauses ” - “ documenter quelque chose ” pour “ informer sur ”, “ crédité ” pour “ attribué à ”,…) ajoutés à quelques erreurs de syntaxe ou de ponctuation auraient pu (dû) être corrigés par quelques relectures pointilleuses. Accumulés, ces petits points négatifs finissent par rendre la lecture irritante et pénalisent un livre qui, sans eux, aurait – je pense - mérité d’être recommandé sans réticences. [R++]

Delannoy, Luc : !CALIENTE! Une histoire du Latin Jazz. Paris : Denoël. 2000. ISBN 2.207.24833.X. 225x140. broché. 348 pages. Prix : 140 F. Sommaire : Avertissement – Introduction – Première partie : Les origines afro-antillaises – Deuxième partie : le règne afro-cubain – Troisième partie : les autres goûts afro-latins – Quatrième partie : aujourd’hui et demain – Discographie – Bibliographie – Index.


L’enseignement m’a vite habitué à donner une constante importance à la lexicologie, d’où ma “ manie ” des définitions – dont je n’ignore pas le côté parfois réducteur et mon entêtement à en rédiger quand je ne suis pas satisfait de celles qu’on me propose ou quand le vide devant lequel je me trouve me met mal à l’aise. Pour le Latin Jazz, c’est ce dernier obstacle qui m’a motivé ; je conclurai donc ces pages par la définition que j’avais rédigée à l’occasion de ma participation à une émission de la série Black and Blue (France Culture) il y a quelques années, les deux livres dont je viens de parler ne m’ont pas poussé à la modifier, mais libre à vous d’en chercher une autre… (6)

 

 

Une définition du latin jazz


Latin Jazz, anglicisme (USA). Courant musical qui a débuté à l’extrême fin des années trente aux Etats-Unis, avec les expériences de Mario Bauzá, Dizzy Gillespie et Cosy Cole, alors tous les trois membres de l’orchestre de Cab Calloway. Le 29 mai 1943, Mario Bauzá reprend ses idées de combiner musique cubaine et jazz avec Tanga, première composition de jazz afro-cubain. L’objectif de départ – qui s’est confirmé et affirmé depuis - était de fusionner les rythmiques (donc implicitement de donner à la clave son rôle directeur) des musiques cubaines jouées par l’ensemble des percussions cubaines (bongo, claves, cloche(s), maracas, tumbadora(s), timbalès (7) et – bien entendu - basse et piano) avec des harmonies, des phrasés et des improvisations propres au jazz. Dans l’évolution du Latin Jazz, les principales découvertes des boppers furent déterminantes pour ce qui allait vite se révéler comme un savant équilibre entre binaire et ternaire. Un courant parallèle s’est développé à Cuba qui gardera l’appellation “ jazz cubain ”. Ses balbutiements remontent au milieu des années vingt. Ils ont été travaillés dans les descargas des années cinquante avant d’être amplifiés (magnifiés ?) par Chucho Valdés et Irakere.
Michel Faligand (8).
© Michel Faligand
Première parution en 2000 pour la revue PERCUSSIONS. Quelques actualisations été apportées et quelques considération très circonstancielles ont été retirées par ritmacuba.com (octobre 2004).

. ______________________________

* Allusion au livre-CD paru depuis, dont le titre n'était pas encore connu : Tito Puente's Drumming with the Mambo King
de Tito Puente and Jim Payn, ed. Hudson Music. La mention sur ma (modeste) participation à cet ouvrage se réfère à mon tableau généalogique cubaine qui y a été inséré à la demande de Jim Paye (il l'avait connu par Laurent Erdos). Malheureusement, cette version anglophone du tableau a été trop réduite par l'imprimeur pour être facilement lisible. dc

** Ce titre, épuisé dans la première édition a fait depuis, en 2003, l'objet d'un nouvelle édition remaniée - sans le CD - chez Buchet-Chastel. Collection : Vie quotidienne - ISBN : 2283019834

NOTES
1 Pour la suite, j’utiliserai l’expression yankee (2) “ Latin Jazz ”, sachant bien que “ Latin ” peut prêter à confusion, mais pas plus que “ musique contemporaine ” ou “ world music ”… cf. ce que disait Bauzá à ce propos (JAZZ HOT . 496, page 27).
2 Je choisis – sans intention péjorative - cet adjectif de préférence à “ américain ”, dont la connotation hypernationaliste et l’imprécision du sens plombent facilement l’expression. “ Yankee : a native or inhabitant of the US “ (Webster’s New World Dictionary).
3 En plus de sept notices biographiques, le Dictionnaire du Jazz (édition de 1994) propose une seule entrée se rapportant à notre sujet : “ Afro-cubain ” (une demi page), alors que le courant “ jazz rock ” occupe trois pages et demie.
4 cf. http://www.geodyne.com/schillinger/index.htm.
5 cf. ce remarquable double dossier coordonné par Thierry Pérémarty : JAZZ HOT . 496 (1’93) : “ Jazz afro-cubain (1) ” : 19-30 et JAZZ HOT . 497 (2’93) : “ Jazz afro-cubain (2) ” :15-30.
6 Dans son article “ Latin Jazz, its roots, growth and maturity ” (Latin Beat Magazine . 6-8’96), Franck M. Figueroa évite d’être drossé sur les écueils de la définition en proposant trois facteurs “ absolument essentiels pour créer et jouer ce qui peut être considéré comme Latin Jazz ”, - à savoir : profonde connaissance du jazz et de la musique latino-américaine, grand talent pour improviser sur son instrument de prédilection, complète maîtrise de la clave.
7 A ces percussions viendront se joindre plus ou moins occasionnellement des batas (profanes évidemment), utilisés soit isolément soit au complet. Dans PERCUSSIONS . 47 (9/10’96), Isabelle Leymarie parle doctement de cette diaspora (pages 16/17). A s’en tenir au Latin Jazz, c’est à Chico O’Farrill qu’il faut reconnaître l’initiative de l’introduction des tambours bata dans la suite Three Afro-Cuban Jazz Moods (cédé PABLO 447-2). D’autres instruments suivront comme des tambours abakuá et les chékérés (Tito Puente).
8 Je ne saurais signer ce texte sans remercier Daniel Chatelain qui a bien voulu me relire et dont les avis m’ont été précieux.

Michel Faligand est le fondateur de la revue PERCUSSIONS et webmaster du site www.mespercussions.org et de son bulletin Percu-info.


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