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Santiago de Cuba - Juillet

Mise en ligne de la page : le 02/05/20. Relecture 28/03/23.

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- Documentation ritmacuba.com : PORTRAITS AU FIL DU TEMPS -


DU « PETIT FRANÇAIS » FILS D'ESCLAVE ET DE COLON,
LE GÉNÉRAL INDÉPENDANTISTE FLOR CROMBET


À SON PETIT FILS,

ROMULO LA CHATAIGNERAIS
PIONNIER DES ETUDES AFRO-CUBAINES

Flor CrombetLachatañere
Flor Crombet, Romulo Lachatañere



Préambule : La version initiale de mai 2020 de cet article a été écrite indépendamment de l'ouvrage d'Alfred Conesa Le baiser de Cuba, un destin français sur le chemin de l'indépendance cubaine.(éd. ErickBonnier 2019). L'accès à des sources familiales inédites, le secours du petit-fils de Flor, l'officier cubain Hugo Crombet permettent, à la suite de ce livre et du dévoilement d'un secret familial, de renouveler la version jusqe là diffusée sur la naissance de Flor dans une des plantations des Crombet. Nous avons été amenés en conséquence à la modifier sur ce point.



Carte du 19e siècle de Hongolosongo ("H Losango") avec certaines de ses cafetales signalées par un point rouge (cf Bella Vista et "F. Crombet" de la famille Crombet, Lacraite...). Extrait de carte.

1. LE « PETIT FRANÇAIS » FILS D?ESCLAVE, LE HÉROS CUBAIN FLOR CROMBET

Flor Crombet est né le 22 novembre 1850 dans la caféière La Fraternidad (nous pensons cette date plus crédible que le 17 septembre 1851 indiquée dans d'autres publications). Cette caféière du quartier de Hongolosongo, près d'El Cobre, détruite aujourd'hui, ne doit pas être confondue avec la caféière La Fraternidad de Ramón de Las Yaguas récemment restaurée. La famille paternelle de Flor Crombet est française, son grand-père José Marcelo Crombet est venue de l'île de La Grenade (qui a été par deux fois française entre 1690 et 1785), vers 1796. Ce dernier a eu neuf enfants d'un premier lit et autant d'un second lit. Autant dire que diverses plantations se côtoient dans le quartier de Hongolosongo, appartenant à ce clan des Crombet : Josefina qui deviendra La Fraternidad, Bella Vista, La Ninfa, Georgina, La Turbia... Bella Vista, une des grandes caféières « de Français » répertoriée, située à environ 450 m. au dessus de la mer, est connue localement pour son « minaret » qui domine toujours le paysage environnant (cf. carte).

Le frère aîné du premier lit du patriarche, Francisco Xavier joue à son tour le rôle de chef de famille. Ici commence un secret de famille très tardivement révélé. Un frère de Francisco, José Marcelo vient de sa plantation de La Turbia pour le charger d'accueillir sa favorite, une esclave mulâtre de sa propriété enceinte de ses oeuvres, Colombina. L'enfant, explique-t-il, ne peut pas naître à La Turbia dans la demeure de l'épouse légitime, Josefina, laquelle doit donner naissance la même année à un fils légitime (celui-ci s'appellera Eugenio Crombet), ni non plus être reconnu par José Marcelo. Francisco Xavier accepte de recueillir la future mère. Mais deux ans plus tard il meurt du choléra. Dans son testament, le père adoptif
Francisco déclare avoir deux enfants naturels, Manuel et « Flores ». On sait ce qu'il en est : ce dernier est le fils de Colombina et est reconnu par Francisco sous le nom de Francisco Adolfo Crombet.

Mais, peu après la naissance, le père biologique, José Marcelo ramène Flores à La Turbia (après avoir demandé que Colombina quitte La Fraternidad) et le confie à une créole blanche
María del Rosario, qui a perdu sa propre fille. María élève l'enfant qu'elle n'appelle plus que Flor et le familiarise à la production agricole sur son lopin de terre. Un oncle paternel, Manuel Crombet, le parraine et contribuera à sa bonne éducation. 



Du côté de Hongolosongo
Du côté de Hongolosongo

Quand notre héros se mariera au Costa Rica (où il a dû s'exiler pour échapper aux autorités coloniale) en 1892 il dit s'appeler Adolfo Flor Crombet Tejera, ayant adopté comme nom maternel, en geste de reconnaissance, le nom de sa mère nourricière. Mais déjà il n'est connu exclusivement que comme Flor Crombet.

Le jeune métis reçoit la meilleure éducation dans la plantation familiale et s'y relaient des professeurs de la communauté française. Au français et à l'espagnol s'ajoutent l'enseignement de l'anglais et de l'italien. Il devait aussi parler le créole qui servait de langue de communication dans ces plantations.


timbre

Au moment du soulèvement indépendantiste en 1868, à 17 ans, après de premiers faits d'armes, il intègre une « compagnie » indépendantiste nommée « La Francesita » (La petite française), aux côtés du commandant Prudence / Prudencio Coureaux (plus âgé que lui, mais qu'il connaît depuis l'enfance), de son frère (légitime) Emiliano Crombet et des ex-esclaves libérés Camilo Crombet, Noel Crombet & Cefiro Coureau. On dit que, faute de posséder un drapeau des insurgés, La Francesita utilisa au combat un autre drapeau républicain, le français. Emiliano meurt en janvier 1872 dans l'attaque d'une caféière défendue par l'armée espagnole, l'Eden.

Des confusions ont pu être faîtes entre ce frère Emiliano et son cousin Emiliano Crombet Philipon (né en 1845), également du municipio d'El Cobre, combattant des trois guerres et nommé colonel en 1878. Flor combattra sous les ordres de cet aîné en 1870.

A la mort du commandant Coureaux, la compagnie est dirigée par Flor, elle s'agrandit de nouveaux membres et il change son nom, elle devient « La Criolla » (La Créole).


Le président de la République en arme Carlos Manuel de Cespedes, qui a lui-même libéré ses esclaves et les a enrôlé dans la guerre, le décrit dans une lettre de 1872 comme un «francesito » (petit français) créole, grand et fin, très élégant et sympathique ; il promet d'être un de nos meilleurs chefs». Cet irréductible gagne ses galons sur le champ de bataille et participe en effet aux trois guerres d'indépendance, en unissant ses efforts avec le général Antonio Maceo. Il refuse tout contact avec l'ennemi et fait même reproche à Maceo d'avoir envisagé des pourparlers dans la guerre des dix ans.

dirigeants indépendantistes
 Leaders cubains (1895) avec de gauche à droite et de haut en bas : Commandant Antonio Collazo, Général Flort Crombet, Général Antonio Maceo, Général Cedreco, Colonel Salvador Rosado, Général Morua, Commandant Borja, Colonel Aurelio Castillo, Commandant Manuel Peña, Commandant Castillo... et le chien d'Antonio Maceo appelé "Cuba libre". (N. B. : dans l'original brigadier est pour "général de brigade").

Issu du monde des caféières françaises de Cuba, le paradoxe est qu'il participe aux combats qui aboutisent aux premières destructions par le feu des cafetales des Français, quasi-généralisées au fil de la guerre, entre assauts et politique de la terre brûlée. Tandis que Gomez et Maceo ont établi leur base d'opération dans la caféière Aguacate du Mont Taurus (Monte Rus) dans l'actuelle Province de Guantanamo, il participe contre les troupes espagnoles entre autres aux prises de Nueva Málaga, La Dorotea (1868), La Matilde, La Aurora (1869), El Cristal, gagnant ses galons un à un et, déjà comme commandant, il est victorieux à la cafetal La Indiana (1871). A 27 ans, il devient le plus jeune des généraux de la première guerre d'indépendance. Une photo le montre à la droite du "géant" Maceo avec un port de chapeau faisant penser à un fier vigneron du Languedoc et une lavalière très "fleur au fusil". La moustache cache une cicatrice à la lèvre supérieure issue d'un combat. 

Maceo et Flor Crombet
Maceo et Crombet dans la série télévisée "Duaba. La Odisea del Honor"

En 1895, il a le commandement de la goélette qui ramène du Costa Rica à Cuba les frères Antonio et José Maceo. Une fois effectué ce qui sera connu comme le débarquement de Duaba, il cède logiquement le commandement au prestigieux Antonio Maceo.

Dans ce débarquement de 23 hommes, figure, entre autres héros, un colonel très proche de Maceo, le "negro frances" (Noir français) Aquiles Duverger Lafargue (dit Arcid...), d'une famille de propriétaires de petite plantation de café originaire de Saint-Domingue, installée à Palmar de Yateras. Combattant des trois guerres d'indépendance, ce dernier mourra en 1995. "un des chefs les plus intrépides des fils de Guantanamo, déclara Maximo Gómez.

Les débarqués progressent ensemble vers le Sud, puis se divisent en deux colonnes. Flor, qui est accompagné de José Maceo, mourra au combat peu après, des mains de descendants amérindiens combattants du côté espagnol. José Maceo s'en sort de justesse en sautant dans un précipice. De son côté Antonio Maceo,se dirigeant vers l'Ouest, opère une jonction qui lui permet de conduire "l'invasion" de l'Ouest du pays.

Le corps de Flor avait été ramené à Yateras par le groupe d'amérindiens. A La Felicidad, plantation devenue quartier général des Espagnols, un planteur français nommé "Tomás Rosseaux" (peut-être Rousseau par rapport aux patronymes repérés) l'identifie, il l'avait rencontré dans une mission de Flor à Paris. Les planteurs Enrique et Felix Lescaille se chargent de l'enterrer dans le cimetière de la plantation Jaguey près de Felicidad (CONESA pp.188-189). Enrique Lescaille était propriétaire de L'Hermitage /El Hermitaño (la même propriété où s'installera au XXe siècle René Bénégui). Felix Lescaille fréquentait la même loge maçonnique que Flor. Lui qui avait servi sous les ordres d'Antonio Macéo pendant la guerre des dix ans, avait changé de camp et avait organisé les escouades d'amérindiens chargés de traquer les rebelles.

Un fils de Flor Crombet était né au Costa Rica. ll reviendra au petit-fils de Flor Crombet, Hugo Crombet, lui aussi né dans ce pays, mais dont la mère rejoint ensuite Santiago de Cuba avec sa progéniture, ce qui a permis à Hugo de devenir colonel cubain et de faire le récit du débarquement héroïque de son grand-père dans un livre intitulé La Expedición del Honor. Ce récit sera à son tour magnifié en 2013 dans une série télévisée cubaine de 17 volets "Duaba. La Odisea del Honor".

 
Le monument 

A Duaba, le monument au débarquement des frères Maceo et Flor Crombet


placita Flor Crombet
A Santiago de Cuba, le parc connu sous des noms différents : La Placita, Placita de Santo Tomás, Placita de los Mártires et Parque Flor Crombet, se dernier étant le nom officiel. Avec l'obélisque dédié à Flor Crombet, en minerai de de la mine d'El Cobre, de son territoire d'origine. Photo Miguel  Rubiera Justiz/sdl

 José Marti a dit de lui après l'avoir rencontré «...Flor a un coeur noble, un jugement sain et pense comme je pense sur le futur destin de Cuba».

Sur l'alignement des héros à Santiago de Cuba
Alignement des héros, Santiago de Cuba

* Crónicas de Santiago de Cuba d'Emilio Bacardi Moreau

ANNEXE : AUTRES OFFICIERS INDÉPENDANTISTES D'ASCENDANCE FRANÇAISE


Dans le même "quartier" rural où est né Flor, la même année, dans le même milieu des planteurs français, est né un autre général des insurgés cubains, José Lacret Morlot (1850-1904). Sa plantation d'origine est cartographiée comme "Lacraite" (cf carte). Il fut d'abord aide de camp de Antonio Macéo, donc un homme de confiance, avant de gagner ses galons. Le contre-insurgé de réputation sanguinaire González Boet organisa l'assassinat du paisible père de José Lacret, le colon français, décapité sur son cheval d'un coup de sabre, simplement pour mortifier le fils insurgé*.

José Lacret Morlot
Le général José Lacret Morlot

Un autre exemple de général indépendantiste descendant d'un colon français de Cuba est le général de brigade Carlos Dubois Castillo (1861-1906) né dans le Municipio de Sagua de Tánamo (actuelle province d'Holguín) dans un environnement de plantations de café. Fils du colon français Charles Dubois Revé et de Clara Castillo. Son père était un cultivateur de café de Santa Catalina, ce hato ayant été partagé par des familles de Français pour développer cette production : les Vidaud, Bientz Lagrave, Revé, Fousamné, Lamothe, Duboys Revé, Osorio Revé, Casurd (Cassourd?), Lándersen... La majorité des familles de San Catalina indique une origine pyrénéenne (Gers, Béarn).

Il étudie en France et soucieux des influences des idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité, il rejoint l'Armée de libération mambí le 9 mai 1895, influencé par le général Antonio Maceo lors de son passage dans sa région et participe à l'invasion de l'Occident. Lorsque les libéraux se sont soulevés contre le processus de réélection du président conservateur pro états-unien Tomás Estrada Palma, en août 1906, il est reparti "dans la manigua" (comme nous disons "dans le maquis"). L'issue devait lui être fatale (comme elle le fut pour le général noir Quintín Banderas, attaqué traîtreusement, par des envoyés d'Estrada Palma.
Il meurt ainsi de blessures à la machete).

La mort de José Lacret Morlot est survenue alors qu'il était malade de fièvre jaune dans la plantation de café Kentucky, à Alto Songo, le 21 août 1906, persécuté par les forces de l'armée présidentielle. Kentucky, malgré son nom, ou à cause de lui, avait été fondée par des Français de la grande Louisiane après 1809.

Carlos Duboys
Le général Carlos Dubois Castillo

Un autre général de brigade d'ascendance française est Alfonso Goulet Goulet (1865-1895). Né aussi près de El Cobre, prisonnier dans la "petite guerre" de 1879-80 (la deuxième), il fut déporté en Espagne, devant à son jeune âge (14-15 ans!) de ne pas être fusillé. Il participa à la conspiration dite Paz de Manganeso en 1890. Selon des sources espagnoles, cette conspiration avorta par le refus des propriétaires des mines de manganèse de les appuyer, par intérêt économique. Il prit part aux préparatifs de l'insurrection de 1895 aux côtés de Moncada et Quintín Bandera. Fraîchement nommé général de brigade sous les ordres de Maceo il mourrut au combat sur les hauteurs de La Caoba. 

A. Goulet Goulet
Général de brigade Alfonso Goulet Goulet

Le fils aîné du grand indépendantiste Emilio Bacardi Moreau, Emilio Bacardi Lay s'illustra au grade de colonel dans la dernière guerre d'indépendance. Descendant de l'immigration française par son père (dont la mère s'appelait Moreau) et par sa mère : famille Lay unie à une Berluchand. En résumé trois grands parents issus de cette communauté. Le quatrième, Bacardi, d'ascendance catalane (Sitges) illustrant la bonne entente des communautés d'origine catalanes et française en Oriente à cette période. Né à Santiago de Cuba en 1877 il s'éteindra à Miami en 1972.


Emilio Bacardi Lay

Colonel Emilio Bacardi Lay : à gauche collection Maria del Carmen, à droite archives de l'ELC

Il rejoint l'armée indépendantiste à 17 ans, devenant adjoint "par mérite" de Antonio Maceo. Il prendra contact avec José Marti dans un déplacement  à New-York. Il combat à l'ouest (entre autres Peralejo, Sao del Indio...), à Matanzas, puis  Cienfuegos.... Blessé à la baïonnette à Calimete et par balle à Manjuari. Après l'indépendance, il ne fit pas de carrière politique. Après divers voyage à Miami, il s'y installe en 1936.

Luis Bonne Bonne (1842-1917) de Santiago de Cuba. Ses parents étaient cousins. Á 26 ans il incorpore l'ELC, en 1868. Dans la guerre des dix ans il termine capitaine d'escorte d'Antonio Macéo. Il accède au grade de commandant dans la guerra chiquita, il est sous les ordres de José Macéo quand celui-ci meurt en 1996.il devient chef de la brigade d'El Caney, puis général de brigade en 1897. Il est blessé dix fois par balle. À l'indépendance, il se retire dans sa ville natale.(1)

Général de Brigade Luis Bonne

Mentionnons aussi dans les généraux d'origine française de l'indépendance cubaine, le "mayor general" Julio Sanguily Garitte (1845-1906) issu, lui, d'une plantation de café de San Catalina de Güines (Province de La Havane). Son frère cadet Manuel (1848-1925) devint lui-même capitaine, fut élu sénateur après l'indépendance et est un historiographe des guerres d'indépendance. Les deux avaient la nationalité étas-unienne en plus de l'espagnole, avant de passer à la cubaine. Leur père Julio avait les nationalités espagnoles et française. Leur mère, Mary Garitte était anglaise. Leur grand'père, naturalisé états-unien en 1772, premier de la lignée à s'installer à Cuba, s'appelait Jean-François Saint-Guily. Julio, le père de la fratrie fit des études au collège militaire d'élite de Sorrèze, près de Bordeaux sous le nom de Saint-Guily. Il semble qu'il ait voulu ensuite hispaniser son nom pour ne pas éveiller de méfiance. Leur frère aîné, Guillermo / William "le premier Cubain d'Australie", fonda une lignée Sanguily à Sidney.  http://www.cubanosfamosos.com/es/julio-sanguily-garitte

Nous manquons jusqu'ici d'informations sur le colonel Carbó Monet figurant dans une histoire collective de Santiago de Cuba.


(1) Le patronyme Bonne répandu en Oriente vient du corsaire français Jean-Jacques Bonne. En 1809, il essaya de se faire passer pour Hollandais, puisque né à Curaçao. Il obtint de de ne pas se faire expulser et prit la nationalité espagnole. Associé à un autre corsaire (Joseph Mourlot, il poséda plusieurs plantations dont une à Limones. Les trois qu'il possédait à sa mort se nommaient, la Méprisée, la Gran Colina et Pitit Plaza (nom créole dit à l'époque patuá). Il eu trois enfants naturels avec une Ermina Rosa Porel et deux avec une Angela Denise Demiot. Il reconnut ces cinq enfants (RENAULT 2012/ Geneanet). Nous connaissons deux des trois enfants d'Elmina Rosa Porel
- Maria Amalia Bonne (née au Caney et décédée à Bordeaux),
- Cornelia Angela Mathilde,née à Santiago de Cuba en 1821, mariée à Paris avec Charles-Edouard Specht (Curaçao-Santiago de Cuba 1870), qui termina sa vie en Ile de France (1884).
Un des deux enfants d'Angela Denise Demiot est ;
- Marie Philomène Bonne,  Santiago, de Cuba, mariée en 1821 à Jean-Baptiste de Mégret de Belligny. Sa descendance est liée à Bordeaux.
Deux enfants au total ne sont pas répertoriés jusqu'ici, où peut se trouver une descendance mâle.


UN COMBATTANT FRANÇAIS MYSTÉRIEUX


Notre recherche sur la famille Bégué à Cuba a en effet fait apparaître un parfait homonyme de Félix Begué Begué, l'agent consulaire de France à Guantanamo.

En effet, parmi les vint-trois enrôlés venus de France dans la guerre d'indépendance de 1995-98 répertoriés dans des documents inédits en notre possession nous rencontrons un Félix Bégué Bégué. Il est décrit ainsi : Français de 25 ans, célibataire, Incorporé à l'armée de libération cubaine le 20 avril 1896 comme simple soldat (Corps 1, Légion 4, Exp. 86), mort le 5 août 1897. Il est mort de fièvres à Hondones, dans la Ciénaga de Zapata. Il fait partie des huit volontaires venus de France dont la mort a été enregistrée dans cette guerre.

Son nom le rattache à la nombreuse famille béarnaise des Begué, où la double descendance paternelle et maternelle Begué n'est pas une rareté et où l'émigration "en cascade" vers Cuba se poursuit sur des dizaines d'années. Rien ne permet jusqu'ici de préciser ses attaches avec ce pays. L'enracinement de la famille Bégué à Cuba et et sa prospérité avant la guerre d'indépendance est une piste qui reste à préciser. cf http://www.ritmacuba.com/Fragments%20me%CC%81moriels%20sur%20les%20planteurs%20francais%20a%CC%80%20Cuba.html




2. LE PETIT-FILS ROMULO LACHATAIGNERAIS CROMBET... ET L'AFRO-CUBAIN

Après la mort de Coureau, Flor Crombet avait unit sa vie à la soeur de son camarade de combat, nommée Cecilia.

Flor et Cecilia donnent à leur fille le nom de Flora. Celle-ci se maria à un autre descendant de Français de la province orientale, Romulo La Chataignerais, avec qui elle eu cinq enfants, le benjamin, héritant du nom de son père Romulo, naissant à Santiago de Cuba le 4 juillet 1909. Un esprit aussi résolu que son grand-père comme nous allons le voir.

Romulo La Chataignerais Crombet fait ses études secondaires dans sa ville natale, puis obtient son doctorat en pharmacie à l'Université de La Havane.

Il lutte contre la dictature de Gerardo Machado dans les rangs des étudiants. Plus tard, il rejoint le Parti communiste de Cuba. Il purge une peine de prison pour avoir participé à la grève de mars 1935. Il part grâce à une bourse aux États-Unis et combat pendant la Seconde Guerre mondiale.
Nicolas Guillén le décrit comme "un homme de visage fin et à la voix douce, un jeune intelligent et curieux, confiant en lui-même". 

Quand il commence à publier, peut-être las d'entendre son nom « exotique » dans le contexte cubain, nom maltraité par une prononciation à l'espagnole, peut-être aussi par volonté de ne pas marquer de distance par rapport à son lectorat, il décide de modifier son nom en lui donnant une orthographe castillane « Lachatañeré ». Forcément fier d'être le petit-fils d'un héros de l'indépendance bien éduqué et justement glorifié, qu'il n'a pu connaître directement, il sait qu'il est aussi l'arrière petit-fils d'une esclave dont le destin est resté mystérieux (Flor avait échoué dans ses tentatives pour en savoir plus sur sa mère éloignée de la plantation familiale). Son approche de la vie populaire, de la religion populaire, c'est-à-dire des cultes afro-cubains, dans les périples peu fortunés de sa vie havanaise l'amène a publier dans ce domaine.

Il collabore aux journaux "Diario de Cuba" (Santiago de Cuba) et "Noticias de hoy" (La Havane) et dans les revues "Estudios Afrocubanos" (où il a publié "El sistema religioso de los lucumís y otras influencias africanas en Cuba"entre 1939 et 1940), "Mediodia " (proche du parti communiste), tous deux de La Havane, et "Vision", de New York. Il donne de nombreuses conférences.


Oh, Mio Yemaya

Il publie « Oh mio Yemayá, cuentos y cantos negros » (1938), avec une préface de Fernando Ortiz (lequel accepte de la part du jeune chercheur le rejet du terme « brujeria », sorcellerie, pour parler du système religieux lucumí**) et « El Manual de Santeria », qui porte deux sous-titre différents : sur la couverture « Estudios afrocubanos » et dans le texte « El sistema de cultos Lucumí ». Ce dernier livre paraît à La Havane en 1942 (alors qu'il réside déjà depuis deux ans aux États-Unis), là encore dans une maison d'édition liée au parti communiste.

Ces deux publications en font un pionnier des études afro-cubaines aux côtés de Fernando Ortiz et Lydia Cabrera. Et aussi un intellectuel révolutionnaire analysant le rôle de la question noire dans la nécessaire transformation sociale et politique.


L'ensemble de ses écrits sur les cultes afro-cubains est réédité à La Havane en 1993 sous le titre « El sistema religioso de los afrocubanos » avec une importante préface de l'historien Isaac Barreal (plusieurs rééditions).

En 1995, les problématiques respectives de Romulo Lachateñere, Fernando Ortiz et Lydia Cabrera sont analysées en français par Erwan Dianteill (Le savant et le santero, L'Harmattan). Est incluse dans cette parution la première traduction de Lachatañeré en français : "L'origine des cultes et leur mode de fonctionnement", un chapître d'« El sistema religioso de los afrocubanos », par l'anthropologue congolais formé à La Havane, Wilfrid Miampika.

Dans un article que Romulo Lacahatañere publie d'abord en anglais), "Quelques aspects du problème noir à Cuba", l'analyse distanciée des contradictions entre noirs et mulâtres et des divisions entre mulâtres se joint à la connaissance intime de son milieu d'origine et de sa mentalité, héritée du côté paternel comme maternel :

"Ces divisions, quoique surgies au cours de l'histoire par le caractère particulier de l'économie esclavagiste de la région, ont été aussi influencées par chaque groupe de mulâtres, aussi bien les descendants des Français - à travers des réfugiés qui échappèrent à la révolution haïtienne - que les mulâtres hispanophones. Le premier groupe reçut une éducation "à la française", avec un sens libéral certain, plus complète que celle reçue par les descendants d'espagnols. Ils reçurent des avantages économique sur les seconds, considéraient ceux-ci inférieurs culturellement et s'ils ne se séparèrent pas d'eux, du moins les considéraient avec condescendance. Les mulâtres de culture française, appelés "les Français de la Rue Le Coq" (en français dans le texte), du fait de la coutume reculée dans le temps d'installer leurs commerces dans la rue appellée calle del Gallo à Santiago de Cuba, s'efforcèrent de vivre à la manière française et dépréciaient le dialecte dérivé de l'espagnol : "pagnol", préférant parler le patois dérivé du français" (notre traduction)...


calle Gallocalle Gallo
Vers 1900 et en 2020 : Croisement de la rue Gallo et bas de la rue Enramadas (montante), Santiago de Cuba. 1. La banderole en travers de la rue correspond à l'hôtel historique français "de Lassus". 2. Le symbole du coq à l'origine du nom de la rue (un coq de métal surmontait une maison de Français).

Des trois intellectuels découvreurs de l'afrocubanité à Cuba, il est le seul à ne pas parler de l'extérieur, son analyse est liée à son vécu dès l'enfance et avec son vécu de métis dans les quartiers populaires de la capitale.
 
À sa mort dans un accident d'avion à Puerto Rico, en 1951, l'intellectuel engagé en même temps que biologiste (déclassé du fait de sa vie militante), Romulo Lachatañeré né Lachataignerais était employé de laboratoire au Columbia University Hospital et membre du Parti Communiste des États-Unis.

© Daniel Chatelain / Ritmacuba. 2020

** Ce qui était une critique implicite de Fernando Ortiz qui avait publié un livre au titre plus tard contesté "Los Negros Brujos" (Les Noirs Sorciers).



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