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Le lieu pour étudier les instruments cubains à Cuba (Juillet)

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LEXIQUE D'INSTRUMENTS CUBAINS

(percussions, aérophones, cordophones)

par Daniel Chatelain

Page évolutive commencée en 2010. Dernière modification de la page : 20/05/2021.

N. B. : Cette page ne prétend pas traiter de l'ensemble des instruments afro-cubains traditionnels, mais des instruments joués dans la musique populaire, qui a intégré dans les dernières décennies certains de ces instruments  (batas, chékérés...). Dans la musique cubaine populaire cubaine, ne sont traités que les instruments propres à Cuba ou ayant des caractéristiques ou usages spécifiques dans l'île.

(Voir quelques éléments sur les instruments afro-cubains traditionnels dans la colonne de droite) 

1. PERCUSSIONS

Les instruments de percussion cubains énumérés et décrits ci-dessous comprennent des tambours à une peau (bongo, conga, bocú, timbalès) ou deux peaux (batas, bombo) et des idiophones variés : cloches (campana), hochets (maracas, chékérés), racleurs (güiro), ou encore idiophones entrechoqués (claves) et pincés (marimbula).

PRÉCISIONS PRÉALABLES :

1. Les percussions cubaines figurant dans ce lexique sont des instruments de la musique populaire cubaine, par essence métissée. Des instruments restés proches de leur origine africaine y figurent également, du fait de leur intégration assez récente à cette musique populaire cubaine, à la salsa ou au latin jazz (batas, chékérés...).
De nombreux autres instruments afro-cubains, rituels ou d'usage profane localisé, n'y figurent pas. Pour une description quasi exhaustive des centaines d'instruments de percussions cubains, nous renvoyons à l'ouvrage en espagnol : Alén, Olavo (dir.), Instrumentos de la música Folclórico-popular de Cuba, 2 vol. et atlas, CIDMUC / Ciencas Sociales, La Havane, 1997.

Le grand nombre d'objets domestiques ou d'ustensiles agricoles récupérés dans l'usage de la musique cubaine n'a pas permis de les intégrer à ce lexique, qui doit garder un caractère plus synthétique qu'exhaustif ; nous avons fait exception pour la "campana" de la conga oriental, jante de camion ou tambour de frein qui a gagné un nouveau nom dans son usage musical.

2. Précisions orthographiques : Le site www.ritmacuba.com adopte plusieurs innovations orthographiques, telles qu'elles ont été proposées par Michel Faligand, fondateur de la revue PERCUSSIONS et du site mespercussions.org. Leur principe est de mieux mettre en accord la prononciation francophone de ces instruments et la façon dont ils s'écrivent, d'où :

  • timbalès (au lieu de timbal, timbales en espagnol), l'accent grave permettant de mieux distinguer cet instrument des timbales classiques ;
  • très (au lieu de tres pour la petite guitare à trois cordes doubles).
  • chékéré. Espagnol : chekeré, portugais (Brésil) : xequerê, anglais (Nigeria) : shekere.
  • bata (espagnol : batá au singulier, batas au pluriel ; yoruba bàtá - ton grave puis aigu - invariable).

  • En ce qui concerne ces deux derniers mots, leur orthographe espagnole (ou autre langue européenne) est une adaptation cubaine de mots de la langue yoruba (Afrique de l'Ouest), laquelle est une langue à tons. L'orthographe yoruba ne peut pas être adoptée en français sans provoquer de mauvaises interprétations : en particulier, les marques tonales des Yoruba sur les voyelles n'ont rien à voir, malgré les apparences, avec les accents graves et aigus du français. Par exemple les voyelles du mot yoruba pour chékéré s'écrivent avec la marque tonale (`), ce qui donne trois fois (è) pour marquer qu'il s'agit de trois tons bas successifs. Autre exemple : bàtá implique en yoruba un ton grave suivi d'un ton aigu (alors que le á de l'espagnol batá est un accent tonique, on pourrait dire "de tonicité"). Une fois francisés comme nous le faisons, ces mots peuvent alors être accordés au pluriel (comme ils le sont d'ailleurs en espagnol et autre langues européennes).
    Quant à la marque d'accent en espagnol, elle a une fonction différente de l'accent français, dès lors pourquoi la reprendrait-on à propos de ces instruments dans un texte français?

Claves HC
ritmacuba.com
  • Le bombo (ou tambora) est un tambour cylindrique portatif à deux peaux. Le musicien frappe sur l'une des faces avec une batte et contrôle la vibration de l'instrument en étouffant périodiquement la seconde peau avec sa main libre, ce qui lui permet de varier les timbres. Les rythmes joués sur les bombos (conga, mozambique), sont issus du répertoire associé au carnaval.

    Dans l'Est de Cuba ("Oriente") on utilise plusieurs types de bombos. Dans la conga orientale on utilise ainsi, selon la taille des instruments et leur fonction musicale :
    - le pilón (le plus grand diamètre) ou tambor mayor,
    - la galleta ou redoblante (dit aussi bombo redoblante), de plus faible épaisseur que le pilón ainsi que l'indique le terme "galleta" (galette),
    - la tambora
    (de plus petit diamètre) ou requinto. Cette dernière est probablement issue de l'instrument du même nom commun à la tumba francesa et à l'ancienne tahona
    (formation de défilé d'influence franco-haïtienne). Elle a été introduite dans la conga avec l'apparition dans la conga de Los Hoyos du rythme masón influencé jusque dans son nom par le rythme de la tumba francesa qui utilise la tambora.

    bombo1bombo3bombo2
    bombos de la Conga de Los Hoyos. Sevran 1992 (1 & 2), Santiago de Cuba 1997 (3) (premiers plans)
    © photos Daniel Chatelain

    Les deux plus grands bombos des congas d'Oriente auraient été empruntés eux, à une autre tradition antérieure, celle des cabildos carabalí d'Oriente.

    Si la Conga de Los Hoyos utilise uniquement ces trois bombos de taille et de hauteur différente, on peut aller jusqu'à cinq bombos de hauteur différente dans une conga comme celle de San Pedrito. Tous ces instruments sont aujourd'hui accordés avec un système à clé.
  • Le bongo est constitué de deux petits tambours à une peau accolés : macho ("mâle", tambour le plus aigu) et hembra ("femelle", grave). On joue habituellement le macho à gauche et la hembra à droite (mais c'est l'inverse, en principe, dans la tradition du changüí). Les peaux sont montées sur des fûts coniques ou cylindriques, grâce à un système de clés. On en joue généralement assis, l'instrument maintenu entre les genoux, ou posé sur un stand métallique. Dans la musique cubaine, le bongocero joue avec les doigts et les paumes. Dans le son et la salsa, il utilise alternativement cet instrument et la cloche campana. La figure basique du bongo dans le son est le martillo (apport havanais).

    Comme l'a écrit Michel Faligand dans
    la page bongo de son site mespercussions : "le bongo désignant une paire de tambours, on doit donc écrire le mot sans "s" final, sauf à vouloir désigner plusieurs paires de bongos."

    Bongocero (stage Ritmacuba à Santiago) © photo Frédéric Vigneau

    Les proportions du bongo de changüí ou "bongo de monte" sont différentes du bongo que nous à légué le son. Les peaux sont collées, accordées à la chaleur d'une flamme et jouées moins tendues. La conception du jeu est différente et il n'y a pas de martillo.

    Dès les années '30, à Cuba, le bongo de son commence à se voir doté de mécaniques d'accordage (cf des photos d'époque d'Anacaona ou de Gloria Matancera), précédant en cela les congas (qui n'arrivent dans la musique populaire orchestrée qu'à partir de 1937). Mais cela ne se généralise dans le pays qu'à la fin des années '50. Les proportions du bongo de son ont varié avec le temps : fûts plus grands qu'aujourd'hui dans le bongo de monte d'origine, diamètres plus petits qu'aujourd'hui au début du son urbain (dans la recherche de sons plus aigus), corps de l'instrument plus haut à l'époque des premières mécaniques, tentatives postérieures d'obtenir une hembra plus large et plus grave (cf "Rolito"...).

    Le bongo comme tambour double est d'ailleurs le résultat d'un processus précédant le son urbain : tambour portatif joué entre les jambes , association de deux tambours entre les jambes sans lien entre eux, deux tambours reliés par une lanière joué de part et d'autre d'une cuisse, réunion physique des deux fûts jusqu'à la fixation latérale entre eux par une pièce de bois ou de métal.

    Parmi les premiers bongoceros répertoriés : Alfredo Boloña (1889-1964), pionnier du son à La Havane dès les années 1908-1910, qui était aussi chanteur tresiste et guitariste), Joaquin Velazcos (Quinteto Tipico, 1911), Andres Sotolongo, (Sexteto Habanero 1920), Oscar Sotolongo (1900-1974) parmi les premiers bongoceros havanais, José Manuel "El Chino" Incharte (fondateur du Sexteto Boloña, 1923 ; il introduit le bongo sur le continent sud américain - Venezuela, Colombie - en 1926), Ricardo Lón Dueñas "El Niño"
    (1937), également timbalero : Orquesta Jorrín) , Clemente Piquero "Chicho" (fondateur de l'orchestre de Benny Moré en 1953, orchestre de Perez Prado, mentor de Mongo Santamaria), Papa Kila (Antolin Suarez, bongocero de Arsenio Rodríguez)...

    Autres pionniers :
    Agustín "Manana" Gutierrez joue le premier l'instrument à New-York en 1925 à l'occasion d'un enregistrement du Sexteto Habanero, suivi de Manuel Reinoso en 1926 (Sexteto Occidente). Le bongo est joué à Paris en 1931 (Mariano González dans le Sexteto Cuba) et en 1932 par Florentino Frontela (orchestre d'Emilio Bareto) et dans la même période par le bongocero de Don Aspiazu. En 1938, le bongocero Alejandro Rodríguez est le premier à jouer dans une formation de jazz afro-américaine, l'orchestre de Cab Calloway, dans lequel il a été introduit par Mario Bauza, précédant de plusieurs années le premier bongocero de Dizzy Gillespie, Guillermo Romero.
    La première bongocera, autrement dit femme jouant le bongo, connue fut Argimira "Millo" Castro, principale attraction de l'Orquesta Anacaona à partir de 1932, alors qu'elle n'avait que 15 ans (également batteuse).      

  • Mongo bongo
    Mongo Santamaria au bongo. Le bongo et les deux tumbadoras sont des Vergara (cf colonne de droite)

    D'autres personnalités se distinguent comme Orlando Soto "Rolito" (inventeur de caractéristiques personnelles de son instrument : hembra plus grande, macho très tendu grâce, cinquième clé...) : Orquesta Rumbanava, Orquesta Mazacote de Los Angeles), Ricardo León Dueñas "El Niño" (1937) de la Orquesta Jorrín, également bongocero et conguero ou Roberto Garcia Valdés "El caballero del bongo" (1932-2010) qui termina sa seconde carrière avec le Buena Vista Social Club.

          Curiosité : la marque LP commercialise un "tribongo", ajoutant un troisième fût plus petit que le macho.


    Article détaillé : "Du bongo" par Michel Faligand

    Vidéo : technique du bongo del monte (et marimbula)

    Article : Lino A. Neira Betancourt : "Roberto Garcia Valdés, un antes y después del bongó en la música cubana". Revista Clave Año 15 n°1. 2013


    Bongo de monte
    Bongo de monte © photo Daniel Chatelain

    Le cajón (pluriel : cajones) est un substitut de tambours constitué d'une caisse de bois. Il est emblématique de la rumba et de l'esprit qui lui est propre consistant à utiliser des objets quotidiens comme instrument de percussion (cuillères, portes, escalier). Le cajón aigu, tenu entre les genoux est réputé pour être la récupération d'une boîte de bougie, tandis que le cajón grave serait issu d'une boîte de morue. Dans la rumba, les tumbadoras se substituèrent souvent au cajones.

    L'innovation de l'usage simultané d'un cajón et d'une tumbadora est attribuée à Justo Pelladito (père) dans les années '40 (source : Tata Güinés). Postérieurement le cajón, fabriqué en tant qu'instrument a été décliné en trois instruments complémentaires, l'instrument intermédiaire s'approchant des dimensions d'une conga, en plus ramassé. En dehors de la rumba, ces instruments ont aussi une utilisation rituelle : cérémonies de cajón spirituales ("spirites") ou de cajones de muertos (pour les esprits des morts). Même les batas ont été imités sous forme de cajón.

    Par contre, le cajón qui affirme une présence internationale à travers le flamenco n'est pas un cajón cubain : c'est le cajón d'origine péruvienne, qui diffère sur plusieurs points des précédents.

    Au début du XXIe siècle des luthiers d'origine géographiques diverses ont étendus le principe du cajón comme équivalent de différents membranophones cubains, avec une terminologie encore à fixer : cajones de bata / batá cajones / batajones, sinon "wood conga" (ce dernier décliné en quinto, segundo, "tumba" dans le cas d'un fabricant français) et même "wood bongo".


    Cajones et tumbadoras (groupe Folkloyuma, Santiago de Cuba) © photo Daniel Chatelain

    La campana (ou le cencerro) est, à l'origine, une cloche de vache dont le battant a été ôté et qu'on frappe à l'aide d'une baguette. Tenue à la main par le bongocero - ou par le campanero spécialiste de la musique de carnaval - elle peut aussi être posée sur un support par le timbalero ou servir comme l'un des accessoires d'une batterie.

    La cloche de vache aurait été introduite dans la musique cubaine de danse soit en 1912, soit en 1923 selon les sources, par le percussionniste Manengue, Antonio Orta Ferrol, qui prétendait, dans la deuxième hypothèse, avoir détourné dans le feu de l'action d'une improvisation dans le cabaret Bohemia de La Havane une cloche destinée à une vache dont il était propriétaire (cf article : MORALES CABEZAS, Obdulio. 1999. "De como el cencerro nacio a la música". Tropicana n°8). Que cette origine soit mythifiée ou véridique, qu'elle soit unique ou non, la campana de Manengue renouait avec les divers idiophones métalliques employés dans la musique afro-cubaine traditionnelle : outils agricoles tels que guataca, lame de faux, ou encore cloches ekón des abakuá et oggán des arará.


     
    Gladys "la campanera" & joueur de corneta china (remerciements à Miké Charropin)

    Dans le contexte de la conga orientale, on désigne sous le terme campana une jante (llanta) automobile de récupération. Celle-ci est soulevée du plat de la main à hauteur d'épaule et est frappée par une tige métallique de l'autre main. Des rythmes complémentaires de fort impact sonore sont joués sur trois campanas ou llantas de hauteurs différentes. Gladys Linares, de Los Hoyos, défraya la chronique en devenant la seule femme à jouer la campana de conga (elle a aujourd'hui de jeunes émules).



    bocu et campana
    bocues
    (cloutés) et campana à Santiago de Cuba en 1952
    © photo Carlos Berenguer (cliquer pour agrandir)


    Il est utilisé de manière polyrythmique dans la santeria ou régla de Ocha en trio de trois tailles différentes : dans les cérémonies "bembés de güiro", "güiro", désignant alors le chéquéré par sa calebasse. Dans ce cas le trio est joué seul, ou avec unimembranophone(s). Il accompagne les unimembranophones dans les bembés de San Lazaro (16 et 17 décembre) en honneur à Babaluayé.

    Un petit Chequeré est souvent joué dans la rumba (pulsation et variations). Il est souvent bienvenu dans le latin jazz, promu vers 1980 par Irakere.

    La première tentative d'intégrer un chékéré dans un orchestre date du XIXe siècle (Orquesta de Raimundo Valenzuela vers 1885), mais une campagne anti-africaine de la presse retira cet instrument des salons à ce moment. Les esprits de la bonne société cubaine n'étaient pas prêts.


    Chékérés HC © ritmacuba.com

    Dans la tradition yoruba en Afrique le shekere désignait autrefois uniquement l'instrument entouré de cauris, seuls ou associés à d'autres percuteurs d'origine locale (attesté dès le 18e siècle), comme les perles rondes ou tubulaires ou encore des minéraux, à la différence de l'agbe ayant pour percuteurs des graines dures de baobab. Les joueurs de shekere étaient liés à l'orisha aje*, orisha féminin associé à l'argent et la fortune (n'oublions pas que le cauri a été une monnaie de cette société, mesurant la richesse). Le shekere a pu évoluer à partir de l'utilisation musicale de la calebasse, elle-même antérieure à la fondation de la ville d'Ifè, attribuée par la tradition à Oduduwa, père de la civilisation yoruba. Mais elle a pu aussi évoluer à partir de l'usage domestique des grandes gourdes et du bruit créé par des objets gardés à l'intérieur. Les joueurs affirment que le premier joueur de shekere s'appelait Arowora (musicien de la Cour de l'Alafin de Old Oyo, dont ils descendent). Son usage serait répandu à travers le yorubaland à partir de l'utilisation royale de l'alafin d'Oyo et d'autres grands Oba, par l'imitation de rois plus petits et autres chefs.

    En Afrique, la popularité du shekere a fait pratiquement oublier l'usage de l'agbe. A Cuba les deux noms ont été conservés comme synonymes, quelques soient les percuteurs sélectionnés (perles, graines dures locales).

    Les Yorubas connaissent encore un autre instrument de cette famille, le Shakara, sans restriction d'usage comme a pu en connaître le shekere, et d'utilisation à la fois plus populaire (marriages, enterrements, sortie de masques) et plus localisé. Le shakara a pour percuteur des perles de bois et de verres, ainsi que des graines (un nom d'un des instruments de l'ensemble laisse entendre que la graine de baobab est/a été utilisée). Son nombre de joueur est habituellement six. (Source : thèse non publiée de Darius Thieme. Michigan, 1969).

    *aje (ou "aje shalunga", comme dans le culte cubain d'Olokún) est considérée comme l'épouse d'Olokún, lequel fut compagnon d'Oduduwa lorsque celui-ci a pris le pas sur Obatala et ses partisans Igbo à Ifè, divinisé à sa mort comme orisha des profondeurs marines.

  • Les claves sont constituées de deux cylindres de bois dur. L'une des pièces frappe l'autre, tenue horizontalement, alors que la main forme une caisse de résonance.

    La formule rythmique appelée la clave (la clave de son, la clave de guaguancó etc...), terme dérivé du nom de l'instrument, sert de guide rythmique pour l'ensemble des instruments de l'orchestre. L'orthographe "clavé" est incorrecte pour cette formule, c'est une invention nord-américaine. Dans le son traditionnel, ou la rumba (guaguancó, yambú, columbia), les claves sont jouées par un chanteur soliste. Dans la rumba columbia elle peut ête substituée (ou complétée) par un idiophone métallique jouant la formule inter-africaine.

    Note : Le mot espagnol clave(s) dans ce sens est un archaïsme pour clavija, "cheville" utilisée dans l'ébénisterie et la construction navale (clavija est un dérivé de clave). Ne pas confondre, malgré ce qu'on peut lire ici ou là avec la clave (clé) de sol ou de fa.

    De nombreux bois cubains sont aptes pour les claves, parmi lesquels le dagame, l'acana (ou ayacan), le granadillo, caguairan ou, moins connu, llava.


  • Les "claves africaines" se distinguent des "claves cubaines", qui sont celles qui viennent d'être décrites. Dans une paire de claves dites "africaines" de Cuba, la clave percutée est creuse, autrement dit elle possède une caisse de résonnance et a en conséquence un diamètre plus important que la clave qui la percute. Les claves africaines se sont imposées dans les orchestres de salsa à partir des années '80.

  • La conga ou tumbadora est un tambour tonneau (constitué de lattes collées)  à une peau, jouée en général à main nue. Conga vient d'un adjectif féminin et il est à proscrire de le mettre au masculin comme il arrive malheusement en français "il joue du conga"). L'origine de ce tambour a été à plusieurs reprises associées au ngoma du congo. Mais sa construction en lattes plaide pour une origine endo-cubaine du tambour*. A l'origine, la peau était cloutée et il fallait la chauffer pour l'accorder ; aujourd'hui elle est fixée par un système de clés inventé à Cuba** (ce système a servi de modèles pour  le bocú). L'invention de ce système de clés a longtemps été attribuée à Carlos "Patato" Valdés" (La Havane 1926 - New York 2007), lequel, dans son jeu qualifié de "mélodique", faisait d'ailleurs un usage immodéré, y compris en cours d'éxécution, de sa clé d'accord. Elle est aujourd'hui créditée au joueur de conga de la charanga de Arcaño, Eliseo Pozo "El Colorao", aidé dans la conception par le timbalero Ulpiano Díaz (1900-1990). Il l'a utilisé dès 1944.

    tumbadora avec mécaniques  de 1944
    Tumbadora de 1944 de Eliseo Pozo "El Colorao" (revue Tropicana, La Havane)

    Lorsque le joueur défile, il n'utilise qu'une conga, tenue en bandoulière, il peut également jouer debout une paire de conga disposée sur un un stand métallique. Enfin, il peut jouer en position assise d'un nombre variable de congas posées à même le sol. Le terme conguero pour celui qui joue l'instrument n'est pas un usage cubain et est venu par les Étas-Unis.

    L'instrument conga a connu son premier développement dans les formations de carnaval cubain - aussi nommées congas - et a été adoptée dans les rumbas (congueros des défilés et rumberos étant souvent les mêmes) dans les années '20 du XXe siècle.

    Le terme tumbadora est relativement récent, mais a remplacé (au milieu du XXe siècle) l'usage du terme conga à Cuba. Tandis que ce dernier terme a continué à être diffusé à travers la fabrication industrielle de l'instrument à l'extérieur de Cuba. Le terme tumbadora a son origine dans les milieux de la conga de carnaval et de la rumba, où on a appelé tumbador certains instruments, d'où l'adjectif tumbadora employé dans l'expression "conga tumbadora". Quant à tumba, c'est une appellation générique pour tambour, en particulier dans les régions centrale et orientale de l'île. Cette appellation vient du terme polysémique bantou tumba (fête, danse, tambour...).

    A Cuba, lorsqu'il y a trois tumbadoras de différents diamètres, on les nomme différemment en distinguant le quinto (aigu), le tres dos (medium) et le salidor (grave). Dans la rumba, où le tres dos est considéré comme "l'esclave" du salidor, celui qui le suit, qui doit y répondre, tandis que le quinto est l'instrument improvisant sur la base rythmique fournie par les deux autres et les idiophones (claves, guagua, shekere), plusieurs appellations se disputent chacune des trois tailles des tambours :

    - salidor : llamador / tumba / tumbador / bajo / caja... (salidor signifie celui qui entre en premier. Dans d'autres styles, le salidor n'est pas forcément un instrument grave...)

    - tres dos :
    segundo / seis por ocho / tres golpes...

    - quinto : repicador...

    Les catalogues des marques états-uniennes ont utilisé des noms qui déplacent l'usage de l'île, si bien qu'il y est appelé requinto ce qui est ni plus ni moins un quinto cubain. Dans la nomenclature imposée par LP par exemple, un jeu de trois congas sera constitué de quinto, conga et tumba, mais ce quinto est plus large qu'un quinto cubain (où on ne joue pas de rythme stable) et les deux autres seraient qualifiées à Cuba de tumbadora (grave et aigüe)

    La conga fut introduite pour la première fois dans une formation de son dans un septeto (le Septeto Afrocubano de Santos Ramirez, créé en 1933), par un percussionniste nommé Vidal Benítez***. Auparavant, le bongo était le seul tambour utilisé dans le style cubain son, profondément lié à l'identité cubaine. Cet exemple fut suivi par le conjunto La Llave (il utilisait la conga en 1934 selon Candido Camero), le sexteto féminin Anacaona, par la Sonora Matancera et dans certaines occasions par le Sexteto Bellamar où Arsenio Rodríguez était entré en 1934. La direction du Sexteto Bellamar lui étant offerte en 1940, Arsenio Rodriguez le transforme en conjunto sous son nom.
     

    C'est avec le format orchestral conjunto de son que s'impose définitivement la tumbadora dans le contexte du son. Arsenio Rodríguez associe la désignation "conjunto" (qui avait déjà été employée dans les années '30****), à son choix d'amplifier les ressources sonores et harmoniques, incluant la conga, le piano et trois trompettes, pour jouer le son et les styles hybrides qu'il a agglutiné. Le septeto Casino utilise la même année la conga, le piano et deux trompettes, mais n'adoptera de manière systématique l'appellation de "Conjunto Casino" qu'en 1942.

    L'essor des conjuntos avec deux ou trois trompettes, piano, conga et contrebasse peut apparaître comme une réponse à la cubanisation instrumentale des big bands de Cuba, qui tendent dans les années '30 à intégrer les percussions cubaines, dont la conga.

    En 1940, la conga entre aussi dans une charanga, celle de Arcaño, rapidement imitée par d'autres charangas, pour jouer le danzón de nuevo ritmo alors en essor. En 1941, elle s'introduit dans le jazz avec Diego 'Mofeta' Iborra (qui sera aussi le premier  conguero de Dizzy Gillespie, avant Chano Pozo).

    Le premier conguero cubain à faire carrière aux USA est Francisco "Chino" Pozo (1915 - 1980), qui entre en 1937 dans l'orchestre de Machito (également  bongocero et batteur). Il est suivi par
    Carlos Vidal Bolado (1914 - 1996) arrivé aux USA en 1943, qui rejoint à son tour l'orchestre de Machito avant d'enregistrer le premier album commercial de rumba (autour de 1948).

    Luciano Pozo Gonzalez, "Chano Pozo" (La Havane 1915 - New-York 1948) est la figure-clé de la rencontre de la musique afro-cubaine et du jazz, symbolisée par son jeu de conga soliste au Carnegie Hall de New-York devant l'orchestre de Dizzy Gillespie en 1947. Il marque aussi les esprits dans la tournée en Europe de 1947 où l'orchestre de Dizzy fait découvrir le be bop, à une epoque où la presse et le public ne distinguent pas trop bongo et conga! Au début des années '40 il est pionnier dans l'utilisation de plusieurs congas, par trois ou par six. Pour ce faire elles sont enserrées dans un cadre métallique qui dispose en ligne des congas de différentes hauteurs. Il nomme cette invention pour shows "marimba de congas"
    (cf livre biographique en espagnol de Chano Pozo par Rosa Marquetti). Il ne l'utilise pas dans sa carrière aux Etats-Unis à partir de 1946 écourtée par son assassinat. Cette solution technique contemporaine des premiers trépieds ne fut pas reprise. 

    Mongo Santamaria (La Havane 1922- Miami 2003) a eu une influence extraordinaire, une fois entré aux USA une première fois en 1943 puis établi à New-York sur les traces du succès de Chano Pozo, et ce aussi bien dans le jazz, le latin jazz que dans la salsa, enregistrant aussi à Cuba dans les années '60 avec une profonde imprégnation afro-cubaine traditionnelle. 

    Candido Cámero, (San Antonio de Los Baños, 1921-2020), initialement tresiste et contrebassiste passe aux congas et bongo en 1946, année de son arrivée aux USA et, à partir de 1953 enregistre avec les plus grands jazzmen. Il a été pionnier à jouer sur deux puis trois congas, associer bongo et congas en set et a créé un système pour jouer la campana au pied.

    Armando Peraza (1924-2014) lie sa carrière à de grandes figures de jazz aux USA à partir de 1949. Il enregistre, semble-t-il le premier, du moins en tant que véritable conguero latin, la conga dans le rock en 1968 (ou serait-ce Francisco Aguabella?), avant de rejoindre la carrière internationale "latin rock" de Santana en 1972.

    Tata Güinés
    (Aristides Sotó, Güinés 1930- La Havane 2008) a systématisé le jeu sur les timbres dans la tumbadora, symbolisé par son utilisation des ongles (la "machine à écrire") et fait école auprès des congueros des générations suivantes. Il a ainsi popularisé le solo de conga, auparavant considéré comme instrument d'accompagnement dans la musique populaire.

    Tata & Lucumi

    Tata Güinés et le jeune Lucumi dans le film "Lucumi l'enfant rumbero" de Tony Gatlif (coll. Daniel Chatelain)


    Ricardo Abreu, "Papín" (La Havane, 1933 - La Havane 2008), excellent "quinto", a fondé avec ses frères Los Papines, un orchestre de percussion de grande popularité, basé sur les tumbadoras et les polyrythmies de la rumba.

    Los Papines
    Photo d'archive de Los Papines

    Francisco Aguabella  (Matanzas 1925 - Fayetville 2010) joue un set de 5 congas dans un contexte rock à la fin des années '60. Autour de 1980, Jorge "El Niño" Alfonso se fait remarquer dans Irakere en jouant 5 congas avec virtuosité. Miguel Aurelio "Anga" Díaz (1961-2006), qui a d'ailleurs succédé à El Niño dans Irakere, a porté à son sommet ce jeu simultané sur cinq congas. 

    Ray Barreto (1929, New York - 2006, Hackensack). Conguero phare de la salsa, du latin jazz et du jazz, il est probablement celui qui a le plus enregistré sur la planète. Il se situait lui-même dans la lignée de Chano Pozo, accordant dans le grave convenant mieux disit-il au jazz qu'un accord tendu de musique de danse.

    Giovanni Hidalgo (1963, San Juan, Porto Rico), entretient des liens avec les meilleurs percussionnistes à Cuba à partir de 1981. Il applique des techniques de baguettes au jeu manuel des congas, prenant place parmi les plus grands virtuoses de l'instrument de tous les temps.

    En Europe, les percussionnistes de la musique savante occidentale rangent la conga dans les « digitaux » bien qu'il ne soit pas rare que les compositeurs qu'ils interprètent aient indiqué de jouer la ou les congas (tumbas) avec des mailloches, des baguettes ou des balais. Il semble que la première partition de musique savante occidentale dans laquelle la conga ait un rôle à jouer soit Orpheus (1925-1931) de Carl Orff et à la suite l'Ouverture cubaine (1932) de Georges Gershwin.

    * des observations de Patrice Banchereau à propos d'un tambour de yuka type tonneau en douves, très allongé, sur une photo datant de 1895 tendraient  à montrer qu'il n'a pas été le premier instrument à expérimenter à Cuba la construction en douves (issue d'une réduction du nombre de douves utilisées sur un tonneau), bien que les tambours yuka conservés dans les musées soient fabriqués directement à partir d'un tronc d'arbre. Ce savoir faire pourrait avoir commencé dans les centrales sucrières du XIXe siècle qui devaient avoir recours à des tonneliers...

    ** Les antécédents utilisés localement furent les timbales et les tambourins ("
    panderetas") qui servirent à nommer les tambours batas avec tirants photographiés dès 1915 (donc bien antérieurs aux tumbadoras avec tirants) puis tombés un temps dans l'oubli au profit de tambours batas plus orthodoxes (cf. www.ritmacuba.com/02_Havane_Histoire-des-tambours-Bata_C-P-Banchereau.html).


    *** Jesús Blanco.1992 80 años del son y soneros en el Caribe. Ed Trópikos, Caracas.

    **** Pour les utilisations de la dénomination conjunto avant 1940 et son adoption par le Conjunto Casino : José Reyes Fortún. 2009. "El Conjunto Casino" éd. Museo de la Música, La Havane.
  • Le güiro (parfois mal orthographié "guiro") ou güayo est une calebasse de forme allongée dont la surface striée est frottée à l'aide d'une baguette fine (Cuba, Mexique, Colombie, pays andins). C'est un idiophone râcleur. La calebasse peut être remplacée par du bambou, ou, plus récemment, du plastique, ce qui en change le timbre initial.

    Le jeu du güiro (calebasse), vidéo avec Carlos Kutimba


    Le güiro peut avoir également l'aspect d'une râpe de métal. En République Dominicaine, cet instrument métallique indispensable au merengue est appelé güayo (mais aussi : güira). Comme dans l'Oriente cubain lorsqu'il est utilisé dans le changüí et styles apparentés : nengón, kiriba, regina. Si dans le premier cas il et systématiquement frotté avec un peigne métallique, cet usage n'est pas exclusif dans le contexte cubain.

    Il peut arriver que le güayo métallique de changüí ou le güiro de calebasse soient substitués par une carapace de tortue convenablement striée dans des groupes ruraux d'Oriente. En dehors du contexte cité, les deux noms güiro et güayo sont souvent interchangeables à Cuba, quelque soit la matière dont est fabriqué l'instrument. Dans les années '90 le santiaguero Harlem Campos (HC) a inventé un
    güiro en peau rigidifiée, avec le même principe de fabrication que les maracas en peau et de sonorité plus chaude que le plastique.

    guiro
    Adalberto Alvarez joue sur son güiro en peau naturelle HC. Il en a été le premier utilisateur. Photo Roger Humbert - The Live Music Report

    Le güiro est fréquemment utilisé par un chanteur soliste ou faisant partie du choeur (dans le boléro, le son etc.). C'est également le cas du güayo métallique dans le changüi ; dans ce dernier cas un autre chanteur utilise systématiquement des maracas de manière synchronisée.

    A Cuba, les orchestres de danzón ont vu éclore de brillants joueurs de güiro depuis le dernier tiers du XIXe siècle virtuosité qui est passée dans le jazz à travers les célèbres sessions de descargas dans les mains de Gustavo Tamayo.

    Un équivalent de Puerto Rico est la guichara ou marimbo. Les stries sont plus fines et plus serrées, frottées par un peigne métallique.

    Au Brésil, l'équivalent est le reco-reco (en bambou ou métallique et dans ce cas muni de ressorts frottés à la place des stries) ; et au Pérou la carrasca.

    Une référence bibliographique : Laurent Lamy. "Notes pour le güiro". revue Percussions n°46 (1ère série).

    le son du güiro en peau, vidéo avec Carlos Kutimba


    Changüí Santiago
    Guayo Steel Band Cuba
    Steel Band del Cobre
    Guayos. Photos Daniel Chatelain
  • Les maracas sont constituées d'une calebasse évidée contenant de petites particules (graines...) et d'un manche. La calebasse peut-être remplacée par du cuir moulé et cousu, ou du plastique. Cet idiophone secoué est le plus souvent secouées en paires, chaque main secouant une maraca. Les maracas sont utilisées traditionnellement par un chanteur soliste ou faisant partie du choeur.

    Le jeu des maracas a été développé dans les traditions du boléro cubain, du son et du changüi.
    La maraca traditionnelle cubaine est en calebasse (plus précisément la güira). C'est au Vénézuela que l'usage de la maraca en peau s'est d'abord développé autour des années '70, gràce au percussionniste et fabricant d'instruments de percussion Carlos Landaeta ("Pan Con Queso"). Cet usage a été complétement adopté à Cuba, en particulier grâce aux excellents instruments de l'artisan santiaguero Harlem Campos (marque HC).


    Maracas HC
    (güira) © ritmacuba.com


    Maracas HC (peau) © ritmacuba.com



    Dans le contexte rituel afro-cubain, une maraca utilisée seule - ou autre hochet - est appelée acheré (nom venant d'un idiophone secoué yoruba similaire : shere). L'acheré peut avoir des perles commes percuteurs externes. Est considéré aussi comme acheré le fruit du flamboyant, une gousse dans laquelles sont alignées des graines allongées, lorsque, dans la santería, il est agité pour saluer l'oricha Oya.
    Les maracas - typiques de la musique populaire cubaine - prennent place parmi d'autres idiophones secoués propres à la musique afro-cubaine : cha chá métalliques de la tumba francesa, erikundi (idiophones coniques de matière végétale tressée) de la musique abakuá et carabalí, ces derniers étant joués par paire, comme les maracas.
  • La marimbula est idiophone par pincement*, apparenté à la sanza, qui comporte un nombre variable de lames. Le jeu ne consiste pas seulement à varier des hauteurs, mais également des timbres, aussi la marimbula n'est pas accordée "au diapason". Pour en jouer, le marimbulero s'assoit sur la caisse en bois de l'instrument à comme on le fait pour d'autres instruments en forme de caisse, tels certains cajones, les mains à hauteur des lames. Quand il est droitier, la main gauche alterne la frappe du bois de l'instrument et le pincement des lames, tandis que la main droite n'utilise généralement que le pincement.

    *plus précisément appartenant aux lamellaphones (du latin lamella), sous-famille des idiophones.

    Photos : autres marimbulas de changüí (Gallerie)

    Marimbula de Guantánamo © photo Daniel Chatelain

    La marimbula dérive des lamellophones  africains. Selon Kubik, le passage de petit instrument portatif à un "lamellophone géant" produisant des basses se serait effectué dans les Caraïbes. Mais ce type de grosse sanza produisant des sons graves se retrouvent aujourd'hui, et sous différents noms, en plusieurs points d'Afrique. En particulier : "pimbinzua" ou "prempensua" des Akan (Ghana), kongoma des Vai, chez les Mahi de la République du Bénin -qui pratiquent la même alternance du jeu sur les touches et la frappe du bois-*, chez les Fon, les Yoruba. Les lamellaphones sont aussi attestés chez plusieurs peuples du Sud-Est du Nigeria tels les Ibo, Ibibio, Efik... 

    Dans la partie occidentale de Cuba, avec la fondation des sociétés abakuá cubaines originaires de ces différents peuples de la Cross River, ces instruments furent de leurs premiers instruments, sinon le premier. Ils ne sont aujourd'hui plus joués par les abakuá, mais il y a eu des pratiques dans un contexte rituel avec différentes tailles de ces instruments, par exemple un jeu à trois lamellaphones de tailles différentes.

    Gerhard Kubik, ne trouvant pas de preuve que les "lamellophones géants" aient existé avant le 19e siècle en Afrique les attribue à une influence caribéenne.

    La marimbula était utilisée dans les formes anciennes du son cubain, rurales puis urbaines, d'abord dans l'Est du pays puis à l'Ouest mais elle y fut remplacée par la contrebasse (ce qui pourrait d'ailleurs expliquer la propension typiquement cubaine à frapper le bois de celle-ci, cf Cachao, Cachaito...), elle a aussi été attestée dans la rumba originaire de l'Ouest du pays. C'est un instrument obligé du changüí traditionnel de l'Est de Cuba, dans lequel son jeu est intriqué avec celui du très et du bongo. 

    marimbula Anacaona
      Marimbula d'Anacaona (jouée en sexteto) © coll. Daniel Chatelain / Museo de la Música (La Havane)

    Les lames pincées des marimbulas de changüis sont souvent au nombre de 5, mais ce nombre varie de 3, pour des instruments les plus anciennement connus, à 9, ce qui est le cas de l'instrument du groupe professionnel Changüí Guantánamo (innovation de José "Nino" Olivares, 1920-2010).

    Mais il y avait déjà eu une augmentation du nombre de lames
    dans un contexte sonero pour quelques exemples de formations avant leur remplacement par la contrebasse : elles étaient monté à 9 et même à 10 en 1930 dans le Sexteto Habanero. Il y a même un cas de 14 lames dans le "Terceto Yoyo" qui a enregistré un 78t. en 1925 (repris en CD), joué par Chucho Aristola. Le compositeur Gilberto Valdés possédait une marimbula expérimentale de... 128 lames disposées sur 10 rangées (cf. catalogue du Musée de la Musique de La Havane).

dans le sucu sucu
Marimbula dans le sucu sucu de l'île des Pins. Photo de Olga Fernández (détail)


    La première femme marimbulera dont nous ayons mention est Juanita Montejo du Sexteto féminin Casiguaya (Las Villas) fondé en 1928. Dans Anacaona, elle est jouée, seulement quelques mois semble-t-il, par Flora Castro (née en 1914), soeur des fondatrices du groupe féminin Anacaona avant que celui-ci ne devienne septeto adoptant la contrebasse.

    Dans le registre des sons graves, la marimbula a parfois remplacé un aérophone, la botija, ou botijuela (voir ci-dessous), mais dans d'autres cas s'est ajoutée à cette dernière (comme actuellement dans le groupe Changüi Santiago).

    Accord marimbula
    Accord de marimbula de changüi © photo Daniel Chatelain

    On retrouve la marimbula en Haïti (sous le nom de "manuba", "manouve" ou "manimbula"), en Jamaïque ("rumba box", d'origine cubaine, utilisée dans la tradition du mento), en République Dominicaine (marimba portative accompagnant le merengue), à Puerto Rico ("marimba", "marimbola"), Trinidad, Tobago, à partir de ces deux îles au Venezuela, en Colombie et dans les Antilles néerlandaises (Aruba, Bonaire**) où elles sont arrivées par les mouvements migratoires agricoles. Elle a disparu en Guadeloupe où ellle était appelée manouba. Sa descendance la plus importante est au Mexique, où elle arrive à Vera Cruz en 1928 par la diffusion de la mudique des sextetos cubains. Elle y devient marimbol, qui subit à l'occasion différentes variation de taille, de facture et de disposition des lames ; répandues dans différents Etats du Mexique, elle est associée à la tradition du son jarocho et à d'autres traditions rurales et urbaines. Une variante portative de marimbol sépare les lames entre mains droite et main gauche, jouées de côté (comme les touches d'un accordéon). Le marimbol est aussi transporté aux Etats-Unis dans les États de forte immigration mexicaine. Elle doit paradoxalement son succès (populaire) à être un "instrument de pauvres", moins coûteux qu'une contrebasse et beaucoup plus facile à fabriquer et transporter...et même modifier! (Source pour le Mexique : Richard Graham). Dans les Antilles anglophones la marimbula a été parfois surnommée "the poor's man bass".

     En principe, il ne faut pas confondre la marimbula avec le marimba, qui est une percussion à clavier. L'origine étymologique pour les deux instruments serait cependant la même selon Aka Konin, soit le radical bantou imba "qui se rapporte à tout ce qui a trait au chant et à la mélodie. Le terme ma-dimba ou marimba étant le pluriel de di-dimba, soit "touche" d'un xylophone, il, peut donc se traduire par les touches". A. Konin ajoute que différentes langues bantoues indiquent par ce même nom des lamelles de xylophone ou des touches de lamellaphone. (in 2007 : Héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes, p.101, éd. L'Harmattan). Cette origine linguistique commune de deux instruments différents explique que dans le vocabulaire des changuiseros on appelle, selon le locuteur, l'instrument marimbula et marimba et celui qui en joue marimbulero et marimbero... Avant la Révolution cubaine, le terme courant était marimba dans le changüi. L'influence des musicologues a ensuite rendue l'appellation marimbula la plus courante. 

    Vidéo : technique de la marimbula (et du bongo de monte)

    La marimbula a été source d'inspiration pour créer un lamellaphone électrique, invention locale de l'ingénieur Carlos Pérez, puis commercialisé aux USA, avec un grand nombre de lamelles organisées à partir du do le plus grave du piano, le long d'un support allongé tenu en position verticale, sans caisse de résonnance, le cubajo. Celui-ci occupe la même fonction d'une contrebasse avec ses lamelles accordées, mais ne permet pas des effets de frappe sur la caisse qui existent sur la marimbula et parfois sur les contrebasses à Cuba. A Guantanamo il est joué en particulier par le groupe Sincopa 1.Un autre dérivé, acoustique, lui est le caberchelo aussi d'invention récente (cf. colonne ci-contre).

     * Pratique aussi notée chez les Akan. Source pour les Mahi : communication personnelle de Julien Sinzogan. Les Yoruba et les Fon distinguent par un nom spécifique les instruments grands et graves en les distinguant des autres instruments type sanza plus petits : soit "agidigbo" en yoruba et "guidigbo" en langue fon. L'agidigbo se joue souvent assis sur la caisse, comme la marimbula cubaine. L'ancienneté de ces instruments est mal connue. Il est possible qu'ils aient eu des antécédents locaux avec des lames non métalliques... Dans les Sud-Est du Nigeria et l'Ouest du Cameroun coexistent des lamellophones de lames métallique et lamelles de bambou. Pour cette origine et les lamellophones abakuá voir Ivor Miller : http://www.lameca.org/dossiers-et-articles/cuban-abakua-music/2-styles-of-abakua-music-nyankue-rites-efo-and-efi-lineages-the-lamellophone-percussion-instruments/

    ** A Bonaire elle est jouée suspendue par une courroie au cou de l'éxécutant (comme chez les Mahi).


    Autres informations sur les lamellophones : groupe "lamellophones" de Richard Graham sur facebook.

  • La quijada est une machoire d'équidé (âne, mulet, cheval) qui était utilisée dans les styles traditionnels (son et styles apparentés). Elle était jouée selon différentes techniques (basiquement frappe latérale du poing, mais aussi technique de friction sur les dents avec une baguette etc). Elle a été récemment réutilisée par un groupe de Santiago de Cuba, la Botija. Elle a été remplacée internationalement, pour la première technique de jeu citée, par le vibra-slap. On la retrouve toujours actuellement dans la musique afro-péruvienne.

    Comme instruments d'esclaves afro-américains, elle a été jouée dans d'autres pays américains, dont aux Etats-Unis sous le nom de jawbone (attesté par ex. au Kentucky). On ne peut en conclure une origine africaine, aucun instrument semblable n'étant connu dans l'histoire musicale africaine.
  • Le nkembi (mot d'origine bantou) est un bruiteur comportant des sonnailles (clochettes, grelot) attachées sur un bracelet. A l'origine le bruiteur de ce nom était d'origine végétale (fait à partir du même fruit que les maracas, mais de taille plus petite). D'où le nom alternatif de "maraca de muñeca" (maraca de poignet). Il est utilisé par certains percussionnistes dans la rumba, la conga et des musiques traditionnelles afro-cubaines.

    Nkembi porté par un campanero de conga oriental © Michel Faligand/Ritmacuba

  • Les sartenes sont deux poëles à frire récupérées, fixées à un stand lui-même attaché au niveau de la taille d'un musicien ambulatoire. Elles sont jouées dans la conga occidentale (elles ont disparu de la conga orientale, où elles avaient un rythme régional spécifique, au profit des llantas) et dans les paseos de carnaval (Occidente et Oriente).

    sartenessartenes
    Sartenes (remerciements à P. Banchereau)

  • Les timbales créoles (timbales criollas, timbalitas criollas) : Instruments inspirés des timbales classiques, aux dimensions plus réduites, utilisées par paires dans les formations appelées estudiantinas au début du XXe siècle. Elles auraient été fabriquées à partir de récipients domestiques, étaient posées sur des supports métalliques et reprenaient les clétages des timbales classiques de l'époque, qui elles, étaient jouées par les formations de danzón depuis l'origine de celui-ci (dernier 1/3 du XIXe siècle).

    timbalitas
    Timbalitas criollas de la Estudiantina Invasora © Daniel Chatelain. 2010.

    On les retrouve dans quelques formations type septeto dans les années 20 (en place du bongo) : cf une photo du grupo oriental en 1927  et en conjunto de son (Conjunto Matamoros) dans les années '40. Elles ont été remplacées dans les formations postérieures par les timbalès de forme cylindrique.
    On peut encore les voir jouer à Santiago de Cuba par la dernière Estudiantina survivante (Estudiantina Invasora) et par le groupe La Botija. Le timbalero de la Estudiantina Invasora, Euclides Roberto Videaud, disparu au milieu des années '90 et dont le jeu était une merveille de décontraction teintée d'humour, reste le plus mémorable éxécutant des timbalitas criollas à ce jour. Également de la Estudiantina Invasora : Victor Rize Carvajal "Papitín".

      timbalero estudiantinatimbalero
    Timbaleros de la Estudiantina Invasora : années '90 et 2010. 1. Papitín
    © Patrick Glaize : Cuba et la Musique Cubaine. Editions du Chêne, Paris, 1999. 2.© Daniel Chatelain

  • Les timbalès (à l'origine el timbal, la paila en espagnol, "timbales" venant de l'influence de l'usage nord-aléricain). Elles sont aussi appelées en français "timbales latines", "timbales cubaines". A Cuba, on utilise de préférence le terme paila. Les timbalès sont jouées par paire posées sur un stand métallique. Les fûts de diamètre différents sont en métal, et les peaux tendues par un système de clés. Les joueurs, disposant le gros fût grave à gauche et le petit fût aigu à droite (s'ils sont droitiers), les frappent avec des baguettes sans olive sur la peau et sur le fût (la cascara).

    Le timbalero joue en fait sur un ensemble de percussions : outre les timbalès, il utilise aussi une ou deux cloches campanas, une cymbale, une caja china (un woodblock à l'origine, à présent en matière plastique), et éventuellement une grosse caisse. Le nom cloche "mambo" de la plus grosse des deux cloches est une dénomination US, elle est nommée à Cuba par sa fonction de contracampana.

    De leur côté, les batteurs, dans la musique latine, utilisent les timbalès comme une élément de leur set situé près de la pédale charleston, selon une habitude issue des formations orchestrales cubaines d'un nombre réduit d'instrumentistes appelées combos.

    Orestes Vilato
      Orestes Vilato. Collection Jean-Marie Troillard /ritmacuba.com - Gallerie Fania All Stars 

    Les origines de la paila sont liées aux timbales classiques utilisées dans le danzón, aux timbalitas criollas des Estudiantinas, à la cubanisation de la batterie des jazz bands dans l'île, sans oublier une proximité (de forme et de fonction) avec le bongo du son. Les pailas sont attestées autour de 1910 dans une des premières charangas où elle substituait les timbales classiques dans les danzones.

    L'utilisation de la cloche et de la caja ou cajita china comme accessoire des timbalès a été une innovation du percusionniste Manengue (Antonio Orta Ferrol) dans le cadre des charangas*. Cependant cette innovation a aussi été attribuée à Ulpidio Diaz (opinion de Amadito Valdés) ou Guillermo Garcia (opinion de Changuito). 


    * cf : Padura, Leonardo (2014). "Réquiem por Manengue". El viaje más largo.


    Il y a peut-être proportionnellement autant de timbaleros remarquables en musique latine que de batteurs dans le jazz. Citons Ulpiano Díaz (Pinar del Rio 1920 - La Havane 1990), Guillermo Barreto (La Havane 1929 - La Havane 1991), pionnier du jazz cubain, Walfredo de Los Reyes III (La Havane), par ailleurs un des grands de la batterie, Manny Oquendo (New-York 1931- New-york 2009)  au sein de La Perfecta et de son Conjunto Libre, Tito Puente (New York 1923 - New-York 2000) "El Rey de las timbales" (qui développa l'usage de "timbalitas" en complément des timbalès) avec plus de 100 disques à son actif,, qui systématisa l'usage du solo pour cet instrument, Willie Bobo (William Correa, New-York 1934-1983), le guantanamero Elio Revé (1930-1997), qui utilisait une configuration rustique : la campana posée à même la peau du fût grave), José Luis "Changuito" Quintana Fuerte (La Havane 1948), inventeur d'une batterie ou les timbalès prennent la place centrale occupée jusque là par la caisse claire, le showman Silvano "El Chori" Shueg (Santiago de Cuba 1900 - La Havane 1974), Calixto Oviedo (La Havane 1955), Amadito Valdés Jr. (La Havane 1946), timbalero entre autres du Buena Vista Social Club, Orestes Vilato (Camagüey 1944), Nicky Marrero (New-York,1950),  un innovateur qui a joué avec Willie Colón, Eddie Palmieri, Fania All Stars, Dizzy Gillespie etc. ou encore Emilio del Monte.

    Le premier timbalero a avoir fait sensation fut Acerina (Consejo Valiente Robles), à Mexico (1924). Les timbalès s'introduisent dans un sexteto avec Manuel Sanchez (Sonora Matancera (1924). Dans les années '30, la technique de l'instrument est enseignée en dehors de Cuba, en particulier par José Montesinos à New-York, un professeur du jeune Tito Puente.
     


    Tito  Puente & Ray Barreto
    Tito Puente : set de timbalès et timbalitas et Ray Barreto aux congas - Gallerie Fania All Stars

    Un roulement caractéristique du style cubain aux pailas est l'abanico (éventail), joué traditionnellement sur le fût aigü. Elio Revé (1930-1997) le jouait sur le fût grave, obtenant un rendu plus proche du changüi et de la tumba francesa, styles à l'origine de son jeu particulier.

    La première timbalera connue est Irene Laferté, virtuose qui dirige sa charanga dès 1929.

    Les timbalès furent jouées pour la première fois en commun avec les congas et le bongo dans le conjunto de Machito à New-York en 1941. Cette conjonction fut plus tard un modèle pour les orchestres de salsa, qui la systématisèrent.


    Anga Díaz aux timbalés et grosse caisse © photo
    Daniel Chatelain

  • La tumbadora : voir Conga

  • La viola : sorte de banjo sans corde, membranophone qui était percuté avec les doigts dans les "coros de clave" où il était joué en complément de claves et de guitare pour accompagner le chant soliste et les chœurs. La viola, percussion à l'apparence de cordophone, a probablement été une ruse pour contrer les interdictions de tambours qui ont suivi la période coloniale.

    Une vidéo où on voit jouée la viola (& aussi la botijuela) dans un coro de clave (film de 1968)
    vidéo

    viola
    Violas dans un spectacle du Conjunto Folklorico Nacional - 1988 © photo
    Daniel Chatelain

INSTRUMENTS DE A à... V.

Accéder directement sur cette page à :

A
achéré,
agbé
armónico : entrée guitare-très

B
baksin
banza :
entrée guitare-très
bocú
bombo
bongo
bonkó
botija
botijuela

C
cajón
campana
cencero
chékéré
claves
conga
corneta china
cuatro
cubajo

F
flûte à 5 clés

G
guamo

güiro
guitare-trés
güayo

K
kinfuiti (cf. bas de page),

L
laúd

M
maracas,
marimbula

N
nkembi

P
paila,

Q
quijada

R
requinto

S
sartenes,

T
timbales créoles
timbales/timbalès
tambora
tres/très
tumbadora
tingotalango
tumbandera

V
viola


Annexes :
Tableau 1. Composition instrumentale des formations de son
Tableau 2. Classification des instruments de percussion cubains


Pour la dénomination des  instruments afro-cubains, voir ci-dessous dans la colonne : 2. MUSIQUE AFRO-CUBAINE TRADITIONNELLE


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Les Equivalences des noms de percussions (Origine : www.mespercussions.org) auteur : Michel Faligand)

Bongó et bonkó : une question étymologique

Il est tentant, et de bons connaisseurs le font, de rapprocher deux instruments, le bongo (en espagnol bongó) de la musique populaire et le bonkó, instrument abakuá (instrument soliste de l'ensemble biankomeko, de nom complet bonkó enchemiya). D'autant plus que la plupart des premiers bongoceros à La Havane étaient d'appartenance abakuá. Pourtant, l'Atlas des instruments cubains du CIDMUC de La Havane, après d'autres spécialistes, donnent des étymologies sans lien entre elles :

  • Bongó comme terme issu de peuples du Nord Congo où on emploie ce mot à la fois pour une pirogue et un tambour (même technique pour creuser un arbre).

  • Bonkó : une contraction soit de bo nkpo soit bo ekpó. Dans le premier cas : lit. "parler chose" dans le deuxième : lit. "parler poisson", d'où on retire que le bonkó est un tambour parleur ou un esprit/ un poisson qui parle (ce qui fait allusion à un mythe fondateur de la tradition abakuá).

  • Le bongo cubain est quant à lui au départ souvent un tambour clouté (mais d'autres modes de tension ont existé parallèlement), comme d'autres tambours d'origine bantu (ngoma, makuta). Il est clairement venu d'Oriente à La Havane et on ne peut donc pas faire de lien avec les petits tambours abakuá du biankomeko d'Occidente (mode de tension utilisant des coins pariétaux). L'origine en Oriente est certes confuse. Il était parfois appelé aussi tahona, tahonita en Oriente (parmi d'autres appellations) et il est possible que les petits tambours mobiles de tahona aient servi de référence dans sa création quant à la taille (d'ailleurs supérieure à l'origine à celle d'aujourd'hui). Ceci dit, la dérivation - avec nouvelles dimensions - d'un tambour congo n'aurait rien d'étonnant sur une terre -l'ancienne province d'Oriente- où ces esclaves étaient anciennement majoritaires. Mais au final le bongo est, comme le disait Fernando Ortiz, un tambour créole et non un tambour afro-cubain.

    Le bongo comme tambour double, ce n'est pas immémorial, plutôt récent, sans doute pas beaucoup avant qu'il n'arrive à La Havane dans les années '10 du 20e s. Avant qu'ils soient réunis par une corde ou une matière textile, ils ont été joués par deux, non liés entre eux, entre les cuisses des bongoceros. Le modèle d'un tambour double serait la timbale classique présente en paire dans les orchestres à Cuba dès la première moitié du XIXe siècle.

Bongó et tbîlât :
une différence morphologique

    Curieusement le résultat est analogue sur ce point au tambour double connu de longue date en Afrique du Nord, tbîlât, d'ailleurs appelé parfois abusivement bongo marocain, mais assez ignoré des organologues (absent de la Bible des instruments, le Grove). Il y a de fait plusieurs différences avec le bongo : le tbîlât est fabriqué en poterie et les peaux (de chèvre) fixées par un laçage de lanières de cuir. Mais pas seulement...

tbîlât
tbîlât (mot arabe féminin pluriel diminutif, dérivé du terme tabl qui signifie tambour).

    Comme le remarquait Michel Faligand, les deux fûts qui le constituent entrent chacun dans une catégorie différente, analogue en cela aux tablas indien (et non au bongo) : "Le plus gros fût est de forme plus hémisphérique (comme un mortier) que tronconique, avec un petit pied, ceci inciterait à le ranger dans les timbales, alors que le petit fût a la forme d'un cylindre (très légèrement ventru) qui lui vaudrait une place chez les membranophones cylindriques" (fermés). Il rentrerait ainsi à la fois dans deux catégories morphologiques. Pour le bongo, ce sont les deux fûts qui sont cylindriques (ouverts).

 Pedro Carverdos & son "caverchelo"

    Des instruments d'apparence traditionnelle peuvent être d'invention récente, on en a l'exemple dans le güiro en peau, des années '90.

Pour sa part, un architecte proche des milieux du changüi de Guantánamo a lui inventé une percussion synthétique portée à l'épaule, rassemblant des caractéristiques de la marimbula, du cajón et du güayo (Il peut de plus, en utilisant sa dimension cajón remplir des fonctions du bongo de monte propre au changüi). Il l'a appelé caberchelo, ce qui, convenons-en est un nom qui, en faisant honneur à son inventeur, n'a rien d'organologique. lien vidéo : https://youtu.be/lyaxz_c6GLI

caberchelo

marque Livre : LA PERCUSIÓN EN LOS RITMOS AFROCUBANOS Y HAITIANO-CUBANOS de Mililian Galis, dit "Gali" (2017). Epuisé

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Rythmes de tambours batas : CAHIERS N°4 + DVD, N°5 + DVD français / espagnol


IDIOPHONES, MEMBRANOPHONES

& LAMELLOPHONE

à Cuba
  • idiophones :

    Achéré, agbé, cajón, campana, cencero, chékéré, claves, güiro, güayo, maracas, nkembi, quijada, sartenes, viola

  • unimembranophones :

    Bocú, bongo, conga (ou tumbadora), paila, timbales créoles, timbales/timbalès, tumbadora, tambours arará, tambours egbado (d'Olokún), tambours yuka  & ngoma ("congos),  biankomeko abakuá avec son bonkó enchemiya et ses enkomo, tumbas des société de tumba francesa, tambours d'origine haïtienne,

  • unimembranopone à friction
    kinfuiti
  • bimembranophones :

    Batá/bata, tambours Iyesa (Matanzas), tambours de cañamo (Trinidad & Palmira), tambours Ganga Longoba (Perico, Matanzas), bombo (pilón, galleta, redoblante...), tambora.

  • Les tambours de bembé cubains rassemblent sous ce nom diverses traditions locales et peuvent être soit unimembranophones soit bimembranophones. 
  • lamellophone :

    Marimbula (secondairement idiophone)



LES DÉBUTS DE LA COMMERCIALISATION DES CONGA ET BONGOS

à Cuba puis aux USA


    Les marques créées au niveau international dans les années '60 et '70 ont fait disparaître aux yeux des non spécialistes qu'il y avait une commercialisation et une standardisation des congas et bongos avant la révolution cubaine.

    A la suite de l'expérimentation de l'adjonction de mécaniques de tension des peaux par Basileo Pozo (cf ci contre), le bongocero Candido Requena crée une ligne de fabrication de congas qui se détache par rapport aux artisans fabriquant ces instruments dans le même contexte des années '40. Il fabrique aussi des bongos avec mécaniques (en caoba). Ses fûts de congas ont une ligne élancée et sont assez légers (en cèdre américain en général). Il décède en 1950 et d'autre artisans imitent ce standard.

requena
conga Requena restaurée

    Gonzalo Vergara perfectionne ce standard, avec des fûts plus renflés et une fabrication plus robuste, en chêne issu de tonneaux espagnols, avec un assemblage parfait. Les Vergara utilisées par un Mongo Santamaria* et la plupart des congueros "post-Chano Pozo" vont être l'instrument recherché des connaisseurs aux USA après la révolution cubaine.
* cf illustration de l'entrée bongo

    La première fabrication non cubaine notable est celle du mexicain Mariano Bobadilla qui crée en 1954 dans un ébénisterie de Los Angeles la marque "Gon Bops" (son surnom). Il se met dans la lignée des Requena et Vergara mais crée des cercles de tension plus bas propres à protéger les mains des congueros. Ces instruments sont en vogue à l'époque des styles boogaloo et pachanga et triomphent à Woodstock où ils sont une cinquantaine à se succéder sur scène...

    A ce moment était déjà créée, en 1964, la firme Latin Percussions de Martin Cohen. Cet ingénieur en mécanique et photographe observateur du jeu des congueros, à l'écoute de leurs préférences (en particulier un José Mangual)  expérimente avec le bongo et les petites percussion avant de fabriquer les congas LP qui s'imposent mondialement à l'époque de la Fania All Stars et de la salsa.

Patato, modèle LP
Carlos "Patato" Valdés posant devant ses modèles LP

La production cubaine continue dans le Cuba socialiste avec la marque Sonoc. 

modèle Tata G.
modèle "Tata Güines" de Sonoc
© Daniel Chatelain

2. CORDOPHONES

Yomo Toro
Collection Jean-Marie Troillard /ritmacuba.com -
Gallerie Fania All Stars

Isaac OviedoArsenio Rodriguez
Isaac Oviedo / Arsenio Rodriguez
laud cubain
laud cubain (Source : stringedinstrumentdatabase)

Le joueur cubain de laúd le plus connu est Barbarito Torres (1956).    Lien vidéo : Barbarito Torres & son groupe (Film Cuba Fire)

Lien : article sur Barbarito Torres sur montunocubano.com


  • Le requinto : Petite guitare à six cordes utilisée parfois par les trovadores pour s'accompagner. Instrument né en Espagne au XVe siècle, particulièrement populaire au Mexique. José Pablo Carrasco (Las Tunas 1945), guitariste requintero, tresero et luthier a transféré au très des façons de faire caractéristiques du requinto.
  • instrument

    Lien (vidéo) : Felix Valera joue le tingotalango (années '80)

    Lien : Felix Valera montre au début de ce documentaire comment construire et jouer le tingotalango

    Lien : la chanson cubaine "Tingo Talango" (Julio Cueva)

    Lien : construction du tanbu marengwen en Haïti (vidéo sur la page)

    tumbandera portative
    Tumbandera portative (tradition de la famille Escalona de Guasimal, Manzanillo, province de Granma) - Photo Rafael Lara González (2013)

     

    3. AÉROPHONES

    guamo ou fotuto


    Définitions de la page : par Daniel Chatelain (inédit)

    - Reproduction interdite -

    ANNEXE 1 : LES INSTRUMENTS DES FORMATIONS DE SON

    TYPE DE FORMATION
    LES INSTRUMENTS QUI LA COMPOSENT
    Trios Très, maracas et marimbula (ou bongo)
    Quintetos Très, marimbula (ou tumbandera), bongo, maracas & güiro ou guayo. Egalement formations du nengón,  du changüi et styles rattachés.
    Sextetos Très, guitare, marimbula, bongo, maracas & claves
    Septetos Trompette, très, guitare, contrebasse, bongo, maracas & claves
    Conjunto 1 Trompettes (2), très, guitare, piano acoustique, contrebasse, bongó, tumbadora, maracas & claves
    Conjunto 2 Trompettes (4), piano électrique, basse électrique, bongo, tumbadoras (2), maracas & claves. Peut inclure la batterie (ou les pailas)

    Inspiré de J.-M.Villar Paredes, CIDMUC, 1990. N. B. : L'ordre des formations, en nombre grandissant, correspond grosso modo a leur apparition chronologique (Les trios et quintetos sont décrits tels que dans la phase initiale rurale du genre).


    ANNEXE 2 : CLASSIFICATION DES INSTRUMENTS DE PERCUSSIONS CUBAINS*

    (correspondance instruments populaires - instruments afro-cubains)

    POPULAIRES CUBAINS
    Classification
    AFRO-CUBAINS / AFRICAINS
    Classification
    Arc en terre (tingo talango) 311.121.211-5 tumbandera 311.121.211-5
    Marimbula 122.12 zanza / sanza 122.11
    Claves 111.11 ----- -----
    Maracas 112.131.2 Erikundi & cha chá 112.131.2
    Güiro 112.23 Cansa 112.23
    Cencerro / campana 111.242.11 Ekón & Oggán 111.242.13
    Bongo 211.251.12-9221 Makuta 211.251.12-7
        Enkomo** & Tonada*** 211.251.12-9221
    Tumbadora / conga 211.251.12-9221 Ngoma 211.251.11-7

    * Classification de Sachs & Hornbostel (1914) actualisée par Ana Victoria Casanova (1988 - Problemática organológica cubana). Tableau adapté de celui de Lino Neira Betancourt in "Presencia del antecedente organomógico africano en el surgimiento y evolución del son en Cuba" (Héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes, p.101, éd. L'Harmattan. 2007).

    ** tambour de l'ensemble abakuá appelé biankomeko.

    *** Tambour de tonada trinitaria (région cubaine de Trinidad)


    Compléments :

    - Une étude des instruments de la tumba francesa dans cet article fondateur en français : La Tumba Francesa par Daniel Chatelain. Réédition en pdf avec nouvelle iconographie (50 p.)

    - On trouvera tout ce qui est utile sur la classification des instruments et la classification des instruments de percussion en particulier sur : http://www.ritmacuba.com/mespercussions.org/instruments/classifications.html (cette page conçue par Michel Faligand a été sauvée par nous de leur disparition sur la toile).


    Documentaire sur le kinfuiti, tambour à friction cubain menacé de disparition (contrairement à sa cousine brésilienne, la cuica) KINFUITI de Anitshka Brape sur Vimeo.
    L'instrument est d'origine congo, son nom en kicongo est
    nkwiti.


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